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BINET.la vision mentale

vision mentale indirecte, tant qu’une première image occupera le point de fixation ; enfin, cette seconde image sera localisée au point de fixation quand la première aura disparu.

Ces faits nous montrent que, en somme, la position des images dans le champ de la visualisation est en rapport avec le degré d’attention qui se fixe sur elles ; les images qui se présentent seules dans le champ désert concentrent seules l’attention ; aussi sont-elles localisées au centre ; les images subséquentes, qui n’occupent pas l’attention au même degré, puisque celle-ci est fixée encore sur la première image, sont reléguées dans une région secondaire, jusqu’à ce que la première image s’effaçant, toute l’attention se porte sur les images nouvelles.

On pourrait dire que l’attention exerce la même influence sur l’extériorisation des images visuelles que les mouvements de l’œil sur l’extériorisation des sensations visuelles ; l’attention modifie la position des images dans le champ mental, comme les mouvements de l’œil modifient la position des sensations dans le champ visuel.

L’exactitude de cette proposition est démontrée par un certain nombre de faits qui paraissent en contradiction avec les précédents, et qui sont, au contraire, soumis à la même règle.

Lorsqu’on communique à la main insensible un mouvement graphique, ce que le sujet aperçoit sur l’écran, ce n’est pas sa main, ce ne sont pas les mouvements, de sa main, ce n’est pas davantage le porte-plume : ce sont les lettres et les mots. Le sujet voit se dessiner sur l’écran, comme par enchantement, disent quelques malades, les caractères écrits ; non seulement il ne se doute pas que c’est sa main qui écrit, mais encore ils n’aperçoit pas sous forme visuelle les mouvements de ses doigts, comme il les aperçoit dans d’autres circonstances, par exemple lorsqu’on se borne à donner à l’index des mouvements alternatifs de flexion et d’extension.

Il convient d’ajouter que les lettres apparaissent sur le point de fixation : elles sont localisées sur le point de fixation, alors même que ce point est déjà occupé par la tache produite par une piqûre : dans ce dernier cas, l’image des lettres tracées se superpose à la tache.

Il y a là une dérogation à nos expériences précédentes ; nous avons vu qu’une seconde piqûre produit un point lumineux qui ne se localise pas sur le point de fixation, tant que le point lumineux d’une première piqûre occupe cette place. Au contraire, la lettre tracée recouvre toujours, dans tous les cas, le point de fixation

À quoi tient cette différence ? Évidemment à un phénomène d’attention spontanée. Dans l’expérience graphique que nous venons