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BINET.la vision mentale

Les expériences qui vont suivre sont délicates et complexes ; je crois cependant qu’on peut s’y fier sans réserve, par suite du nombre considérable de sujets sur lesquels j’ai pu les vérifier.

Comme dans tout examen campimétrique, il faut commencer par fixer le regard du sujet. Nous dessinons donc sur un écran une petite croix, ou un petit cercle, dont le sujet est prié de regarder fixement le centre, en tenant l’œil aussi immobile que possible. À ce propos, nous devons insister sur une cause d’erreur qui est fréquente ; arrive souvent que le sujet, lorsqu’on lui donne, par excitation périphérique, l’impression de taches visuelles, cesse de fixer le point de mire pour suivre ces taches visuelles qui attirent toujours son attention avec force. Il faut donc, à plusieurs reprises pendant l’expérience, recommander au sujet de continuer à regarder fixement le centre de la petite croix ou du petit cercle.

Cette précaution une fois prise, et nous ne saurions trop insister sur son importance, on fait une piqûre à la main insensible ; aussitôt le sujet perçoit sur l’écran une petite tache blanche ou grise qui vient se placer exactement sur le point de mire, le recouvre, et empêche de le voir. Lorsque l’on fait des expériences sur un sujet qui voit des taches blanches, il faut se servir comme point de fixation d’une croix noire ; au contraire, lorsque le sujet voit des taches noires, il vaut mieux employer un cercle. Nous disons donc que l’excitation de la main insensible produit une tache qui s’extériorise sur le point de fixation.

Nous pouvons ajouter qu’il en est ainsi pour toute espèce d’excitation. Peu importe la région que l’on excite. On peut enfoncer une épingle soit dans la peau des doigts, du dos de la main, du poignet, remonter ainsi l’avant-bras jusqu’à l’épaule, la face, ou descendre le long des membres inférieurs ; l’excitation première et unique, quel que soit son siège, produit une tache qui est localisée sur le point de fixation.

La seule précaution à prendre pour produire ce résultat est de laisser s’écouler un intervalle de quelques minutes entre les diverses piqûres ; nous verrons tout à l’heure pourquoi.

L’expérience précédente a pu être vérifiée sur six malades, les nommées Lavr…, Demang…, Habil…, Cless…, Par…, Pacq… ; nous devons noter que chez une autre malade, Schey…, les points obscurs que l’on produit par excitation de la peau ne se projettent pas sur le point de fixation, mais à côté, et au-dessous, à une distance de quelques millimètres, et n’empêchent pas le sujet de voir nettement le point de fixation. De même, quand le sujet promène librement son regard autour de lui, le point obscur ne se place pas sur le point qu’il fixe, mais un peu au-dessous. Au contraire, les points brillants