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interprétation ne porte pas sur les simples qualités géométriques de l’image, mais sur l’objet qui est représenté, et elle peut altérer profondément l’hallucination.

Précisons par un exemple. Lorsqu’on donne au sujet l’hallucination d’une croix rouge sur telle feuille de papier déterminée, on provoque chez lui une image hallucinatoire qui a peut-être, comme une image consécutive, la propriété de suivre le regard et de s’agrandir avec la distance du point d’extériorisation. Seulement, le sujet, étant persuadé qu’il voit une croix réelle découpée dans du papier rouge, ne peut pas admettre que cette croix se déplace avec son regard, et s’agrandisse avec la distance ; car, si la croix de papier existait réellement, elle présenterait les deux qualités contraires : elle resterait immobile sur le papier où on l’a placée et elle se rapetisserait dans la vision à distance. L’halluciné est donc amené, par une suite de raisonnements inconscients, à modifier son hallucination, pour l’assimiler à la perception d’un objet de même nature. Lorsque nous étudions l’hallucination par l’intermédiaire du témoignage du sujet, nous sommes aux prises avec un phénomène déformé.

V

Les illusions de la vision mentale.

Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que toute image dont nous avons conscience est perçue d’après le même procédé qu’une sensation. Cette conclusion psychologique avait pour point de départ les observations que nous avons faites sur les mouvements de l’image visuelle dans le sens du regard et sur son agrandissement déterminé par l’éloignement de l’écran de projection.

Si la proposition que nous venons de reproduire est juste, elle conduit à une conclusion nouvelle : c’est que la vision mentale doit avoir ses illusions comme la vision extérieure. Du moment qu’on perçoit une image comme si c’était une sensation, du moment que le processus de la perception est sujet à des erreurs, à des illusions, il doit se produire également des illusions dans la vision mentale.

Cette conclusion, les faits la confirment pleinement ; ici, nous n’avons pas eu besoin de rechercher des expériences ; les observations se sont présentées à nous spontanément ; nous en avons déjà dit quelques mots dans un précédent chapitre.

M. James Sully a traité ce sujet, mais théoriquement et un peu