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de l’expérience, il est facile de constater que les deux points ne sont pas marqués à la même distance que la première fois. La grandeur de l’image visuelle paraît donc être sous l’influence d’autres causes que celles que nous saisissons.

L’intensité de l’image visuelle dépend, comme sa grandeur, de la longueur de sa projection. Lorsque le petit point brillant produit par l’excitation d’une zone hypnogène est extériorisé à 3 mètres sur un mur, il paraît beaucoup plus pâle que lorsqu’il se projette sur un livre que le malade tient à la main. C’est un nouveau rapprochement à établir avec l’image consécutive, dont la couleur pâlit lorsqu’on éloigne l’écran sur lequel on la projette[1].

Si, par les caractères précédents, l’image visuelle provoquée par excitation périphérique se rapproche de l’image consécutive, elle se sépare en même temps d’une autre espèce d’image visuelle, l’image hallucinatoire produite par suggestion. Ainsi que nous l’avons dit ailleurs, et comme nous avons pu le vérifier encore une fois, l’hallucination visuelle suggérée occupe un point fixe dans l’espace ; à moins de suggestion contraire, elle ne suit pas les mouvements des yeux et elle ne s’agrandit pas à mesure que la distance entre elle et le sujet augmente.

Exemple : nous faisons apparaître par suggestion hypnotique une croix rouge sur une feuille de papier blanc. Au réveil, le sujet aperçoit la croix à la place qu’on lui a assignée ; il la voit sur cette feuille de papier seulement ; si on le prie de regarder une autre feuille de papier ou de jeter les yeux sur l’écran, le sujet n’y retrouve pas la croix, comme il y retrouverait une image consécutive ordinaire ; la croix rouge ne suit pas davantage le mouvement des yeux. Enfin, quand le sujet a eu le soin d’entourer d’un trait à l’encre la croix imaginaire, et qu’on éloigne la feuille de papier sur laquelle cette croix est fixée, le sujet ne voit pas la croix s’agrandir et déborder en quelque sorte la ligne de contour qu’il a tracée.

Ces différences entre l’image hallucinatoire et les images visuelles précédemment décrites, ne sont pas inexplicables ; elles nous paraissent naturelles, et même nécessaires. Mais nous devons avertir qu’ici nous entrons dans le domaine de l’explication.

Il est facile de comprendre, suivant nous, comment il se fait qu’une image purement mentale, intra-cérébrale, comme celles qu’on provoque en excitant le tégument insensible, présente ces deux propriétés, de s’agrandir quand on éloigne l’écran sur lequel on la projette, et de suivre les mouvements du regard ; cela tient à ce que cette image

  1. Binet, Psychologie du raisonnement.