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BINET.la vision mentale

elle est suffisamment intense, est perçue comme si c’était une sensation ; en effet, cette image visuelle est projetée au dehors comme une sensation extérieure ; cette localisation en un point de l’espace est un premier stade de la perception externe. Nous allons voir bientôt se multiplier les faits nous montrant que le processus de perception est le même pour l’image et pour la sensation. Ces notions sur les phénomènes de l’idéation sont assez importantes pour qu’on y insiste. MM. Spencer et Bain ont soutenu à plusieurs reprises que, pour connaître un état de conscience, il faut le classer, c’est-à-dire le comparer à d’autres états, semblables ou différents ; or percevoir, c’est classer ; le processus d’une perception est le même que celui d’un raisonnement ; les mots seuls diffèrent ; au fond tous ces phénomènes sont identiques. Nous ne croyons donc pas établir un fait nouveau en disant que l’image est perçue comme si c’était une sensation. En réalité, on trouve rarement du nouveau en psychologie ; mais on démontre parfois ce qui n’était d’abord que supposé. Les considérations sur lesquelles s’appuyaient MM. Spencer et Bain étaient purement théoriques ; nous allons les remplacer par une démonstration expérimentale.

Nous avons fait connaître un premier fait ; en voici d’autres. Les images visuelles provoquées par excitation périphérique inconsciente présentent deux propriétés principales, dans leur extériorisation : 1o elles suivent le mouvement des yeux, se présentant partout où le sujet porte son regard, et le fatiguant par leur persistance ; on a observé le même fait pour l’image consécutive ; 2o projetées sur un écran, elles s’agrandissent quand on éloigne l’écran et se rapetissent quand on le rapproche. C’est un second point de ressemblance avec l’image consécutive.

Pour constater avec précision ces changements de grandeur de l’image visuelle, voici le procédé très simple dont je me suis servi.

Après avoir prié les malades de marquer avec un crayon sur l’écran les deux taches que je leur fais apparaître en excitant leur peau, on leur fait répéter cette même expérience en changeant la distance de l’écran à l’œil, et constamment les points marqués étaient plus éloignés quand le sujet était lui-même plus éloigné de l’écran ; ils se rapprochaient au contraire, quand le sujet se rapprochait de l’écran. Cette expérience, tentée sur six sujets, a parfaitement réussi chez cinq.

Il faut bien remarquer que ce phénomène est très irrégulier ; il n’y a point de rapport proportionnel entre la distance des deux points et la distance du sujet à l’écran ; de plus, si après avoir éloigné le sujet de l’écran, on le place exactement à la même distance qu’au début