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un effort volontaire pour se représenter sa main ; quand l’image a répondu ainsi à l’appel du sujet, on peut lui demander comment, dans quelle position il se représente son membre, et le sujet indique alors une position qui correspond assez exactement, dans la plupart des cas, à la position réelle de son membre anesthésique. C’est ainsi que, lorsqu’on donne des mouvements passifs, au bras insensible d’une malade, il faut lui laisser quelques minutes de réflexion pour lui permettre de retrouver, sous forme d’une représentation visuelle, la position de son bras.

En comparant les uns avec les autres les résultats des expériences précédentes, nous arrivons à cette conclusion que toute excitation d’une région anesthésique réveille l’image visuelle de cette région ; l’image est partielle, fragmentaire, dans certains cas, complète dans d’autres. Si l’excitation est très restreinte, comme celle d’une pointe de compas, l’image visuelle réveillée est aussi très petite ; le sujet voit tout à coup, sous forme d’une petite tache blanche ou grise, le point de la peau où s’enfonce l’extrémité du compas ; si on pince la peau, le sujet voit soit une raie blanche, dont il ne comprend pas la nature, soit un pli rectiligne de peau qui se soulève ; si on trace une ligne sur la peau, le sujet voit une ligne visuelle qui présente la même direction que la ligne tactile ; si on change la position de la main, le sujet voit la ligne dans le nouveau sens déterminé par la nouvelle position de la main ; si on suit le contour de la main avec un crayon, le sujet voit se dessiner sur l’écran la silhouette de sa main, mais ne la reconnaît pas toujours ; enfin si on entraîne un segment du membre dans un mouvement passif, le sujet peut soit reconnaître ce segment, dire qu’il voit son doigt qui se soulève, ou ne percevoir qu’une apparence qu’il ne comprend pas, et qu’il décrit sous la forme de barre ou de bâton ; mais dans tous les cas, si le sujet fixe par le dessin sur l’écran la forme de ce qu’il voit, il est facile de constater que c’est précisément la forme du segment de membre mis en mouvement.

L’excitation périphérique d’une région insensible ne détermine pas seulement la vision mentale de cette région ; il peut se produire également, par association d’images, une vision mentale des objets qui sont mis en contact avec la région anesthésique. Quand un dynamomètre, une boîte, une clef, un objet quelconque sont placés dans la paume de la main, ou qu’un porte-plume est fixé entre le pouce et l’index, l’hystérique peut apercevoir sur l’écran l’image, plus ou moins vague, de ces objets. Si on imprime à la main des mouvements graphiques le sujet voit sur l’écran non seulement la main qui écrit, mais les caractères qu’elle trace ; ces