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BINET.la vision mentale

sistent autant que l’excitation qui leur donne naissance, elles peuvent être fixées sur l’écran par le dessin, dans leurs moindres détails. Je ne saurais assez insister sur ce point : il ne s’agit point d’impressions vagues, confuses, fugitives ; les images visuelles que nous allons étudier ont toute la précision et la stabilité d’une sensation réelle et objective. Examinons tout d’abord les diverses images qu’on peut produire en variant le mode de l’excitation périphérique inconsciente.

Lorsqu’on fait un certain nombre de piqûres à la peau insensible avec une pointe de compas, le sujet voit apparaître sur l’écran de petits points, de petites taches, qui disparaissent dès qu’on cesse de piquer la peau, et qui continuent à se montrer si la piqûre persiste. La couleur des points varie un peu selon les malades. Ils sont gris sale ou noirs, chez la plupart ; chez quelques-unes, comme Lavr…, ils présentent constamment une couleur blanche, et se détachent sur un fond noir. Quelques sujets décrivent spontanément ces points comme des trous, comme des dépressions de la peau produites par la pression d’une pointe. « C’est comme si vous me piquiez la peau », dit Amélie Clet…

Le nombre des points est en rapport avec le nombre des piqûres.

Lorsqu’on pique la peau au même endroit à plusieurs reprises, ces petits points apparaissent sur l’écran au même endroit ou très rapprochés les uns des autres. Si on pique des endroits différents et un peu éloignés, les points s’éloignent l’un de l’autre sur l’écran. Les points reproduisent les piqûres tant au point de vue du nombre que des rapports d’espace. Si on dispose les piqûres en série linéaire ou circulaire, etc., les taches se présentent à l’écran dans le même ordre.

On peut substituer aux piqûres d’autres modes d’excitation de la peau, tracer par exemple sur le dos de la main avec la pointe du compas un trait continu. Le sujet aperçoit alors sur l’écran une ligne, grise ou blanche suivant les malades. Si l’on trace une figure ou une lettre sur la peau, le sujet voit sur l’écran cette même figure et cette même lettre. En résumé, ce n’est pas seulement l’excitation tactile qui est sentie sous forme visuelle ; les qualités de distance, de direction et de forme que présente cette excitation sont également enregistrées par l’image visuelle.

Lorsqu’on soulève en le pinçant un pli de la peau anesthésique, le sujet aperçoit sur l’écran une raie blanche ou grisâtre ; quelques-uns des malades ne voient pas une simple raie, mais ils distinguent un pli de leur peau, qui paraît se soulever ; en d’autres termes, ils voient distinctement sur l’écran ce qu’ils verraient si on leur permettait de regarder par exemple leur main insensible au point exact