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de la vue du sujet, celui-ci, prié de se représenter son membre, le conçoit précisément dans l’attitude où il est immobilisé par la contracture. Ceci nous amène à parler de la vision mentale dans ses rapports avec l’excitation périphérique des régions insensibles du corps.

II

La vision mentale provoquée par l’excitation des régions insensibles.

Nous reprenons ici les recherches exposées dans notre précédent travail ; mais, avant de les reprendre, il faut les résumer.

On se rappelle que les dernières expériences que nous avons faites sur ce point étaient assez sommaires : nous nous étions contentés de constater que l’excitation cutanée inconsciente pénètre dans l’esprit du sujet sous forme d’idée. Pour dissiper toute incertitude, nous avions eu soin de donner aux excitations périphériques le caractère du nombre ; par exemple, le doigt insensible du sujet était soulevé dix, quinze, vingt fois ; ou bien l’on faisait sur sa peau insensible vingt, trente, quelquefois même plus de cent piqûres ; et l’on sait que chacune de ces excitations arrive à la conscience du sujet en dépouillant la qualité de sensation tactile ou kinesthétique (Bastian) et en revêtant la forme visuelle d’un chiffre ; le malade, prié de choisir volontairement un nombre, choisit précisément celui qui correspond aux excitations périphériques. Si on a fait à sa peau insensible vingt piqûres, il choisit le nombre vingt.

Dans ce phénomène complexe, ce que nous avons surtout étudié jusqu’à présent, c’est le rapport entre l’excitation et la perception sous forme d’idée. Nous cherchions surtout à saisir la nature de l’anesthésie hystérique. Maintenant notre but est différent : nous ne conservons l’emploi de l’excitation périphérique insensible que comme un moyen précieux de provoquer l’image visuelle ; c’est cette image seule que nous allons étudier.

Pour la commodité de l’observation, nous avons fait usage du dispositif suivant : un écran, généralement un journal, est placé devant les yeux du sujet, qui est prié de le regarder fixement toutes les fois qu’on le lui demande. Les images qu’on fait naître par excitation périphérique se projettent sur cet écran, et se montrent au sujet avec beaucoup plus de netteté que lorsque ses yeux sont fermés, ou que lorsqu’ils sont ouverts et que son regard parcourt au hasard tous les objets qui sont devant lui. De plus, comme les images visuelles per-