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inconscient déterminé par l’observateur. Cependant il y avait dans les réponses de mes sujets des points obscurs ; ils disaient qu’ils voyaient des barres ou des points ou des chiffres ; des barres quand j’agitais le doigt insensible, des points quand je faisais des piqûres, des chiffres quand je donnais un mouvement graphique relatif à un chiffre. On verra plus loin la raison de ces particularités que je n’avais pas comprises tout d’abord. Enfin, un jour, par hasard, pendant que j’expérimentais sur la main de Lav…, placé derrière un écran, la malade lisait un journal ; je piquai la main anesthésique ; elle me dit spontanément qu’elle voyait sur le journal des points qui l’empêchaient de lire ; il y avait autant de points que de piqûres ; une ligne tracée sur la main produisait une ligne sur le papier, etc. Je répétai et vérifiai sur-le-champ cette observation chez tous les autres sujets.

Je crois donc que c’est dans ces conditions spéciales qu’il faut se placer pour étudier les phénomènes visuels. J’insiste, car je sais que dans les expériences de contrôle les auteurs apportent rarement autant de soin que l’auteur de l’observation première. Si on ne prend pas la précaution de faire lire le sujet à haute voix, pendant qu’on expérimente à son insu sur une région anesthésique, si on se contente de le pincer sommairement, pendant qu’il regarde à droite ou à gauche, on court le risque de ne rien observer, ce qui est un genre d’erreur aussi fâcheux qu’un autre.

Au contraire, lorsque l’attention du sujet a été attirée pour une raison ou une autre dans le domaine visuel, il n’est pas rare que les observateurs aient constaté des phénomènes analogues aux nôtres, à la suite d’excitations périphériques. Ainsi, nous avons observé autrefois, M. Féré et moi, que si on aimante un sujet pendant qu’il regarde une croix rouge, la croix devient verte, puis grise ; l’aimant agit ici, je le montrerai plus loin, comme un simple contact, et j’ai pu reproduire ces changements précis de couleur, qui tiennent simplement à des conflits de sensations et d’images (et qu’on retrouve dans le contraste de la vision binoculaire), en remplaçant l’aimantation par la faradisation ou la simple pression[1].

De plus, M. Féré[2] a vu que si on donne une hallucination visuelle à une hystérique, l’excitation périphérique la supprime. Cette hallucination visuelle a, comme l’expérience de lecture, l’effet d’attirer l’attention du sujet dans la sphère visuelle ; et j’ai constaté, en répétant l’expérience de M. Féré, que la disparition de l’image hallucina-

  1. Magnétisme animal, 1887, p. 201.
  2. Sensation et mouvement, p. 145.