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On voit donc que jusqu’ici nos expériences, envisagées dans leur ensemble, s’appuient sur la psychologie normale. On peut même dire que c’est de la psychologie vulgaire et rebattue.

Ces expériences sont aussi dans une relation étroite avec celles de M. Pierre Janet sur le rétrécissement du champ de la conscience chez les hystériques. J’ai déjà eu l’occasion, dans mon précédent article, de parler des expériences de M. Pierre Janet, mais l’erreur que j’avais commise sur le sens du terme de dissociation mentale dont cet auteur s’est servi, m’avait fait perdre de vue que le dédoublement de la conscience et de la personnalité chez l’hystérique n’est pas une hypothèse, mais un fait. Reprenons la question et résumons-la en quelques mots.

M. Pierre Janet a montré, ici-même, dans de très nombreuses expériences, que le champ de la conscience chez l’hystérique est rétréci, et que certains phénomènes qui peuvent prendre place dans le champ de la conscience d’un individu normal se retrouvent chez l’hystérique dans deux champs différents, et semblent par conséquent appartenir à deux moi différents.

J’ai montré, avec M. Féré, qu’on rencontre dans l’anesthésie hystérique un phénomène analogue de dédoublement mental, et que les sensations provenant du membre anesthésique sont perçues par une conscience secondaire qui est susceptible de raisonnement et d’actes. Récemment, dans mon dernier article, j’ai ajouté un trait de plus à la description de ces phénomènes, en montrant que les deux consciences, la secondaire et principale, peuvent agir simultanément d’une façon coordonnée. C’est là une addition aux recherches de M. Pierre Janet qui n’avait étudié jusqu’ici que la séparation des deux consciences.

La notion de ces phénomènes nous explique d’abord comment il se fait que l’irritation cutanée non sentie produise une image visuelle. Lorsqu’on excite, par le contact d’un objet, une région anesthésique, il se produit chez l’hystérique le même processus de perception que chez un individu normal, c’est-à-dire sensation tactile et image visuelle ; seulement, il y a répartition de ces deux parties du processus entre deux consciences différentes : l’une des consciences perçoit le contact, l’autre perçoit l’image visuelle. Plus exactement, l’une des consciences, suggestionnée par le contact, reconnaît l’objet sous sa forme tactile et devient le siège de phénomènes compliqués de perception et d’inférence, tandis que l’autre conscience ne perçoit que la partie visuelle du phénomène et souvent ne comprend pas de quoi il s’agit.

Examinons maintenant la méthode à suivre pour étudier ces phé-