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société de psychologie physiologique

Ce cas eût passé inaperçu sans le secours d’une indication fournie par l’expérimentation, car le cerveau de Bertillon présente un certain nombre de circonvolutions ou de portions de circonvolutions moins développées sur l’hémisphère droit que sur le gauche. Nous avons noté plusieurs de ces différences dans notre description, mais sans pouvoir, à l’époque où elle fut faite, les rapprocher d’aucun fait physiologique. La minceur de la première circonvolution temporale droite fut signalée en particulier ainsi que le grand développement de la circonvolution homologue du côté gauche, et ces faits que je puis aujourd’hui rapprocher du fait physiologique de la surdité gauche, acquièrent une réelle importance, car c’est après avoir cautérisé sur des singes les deux circonvolutions temporales supérieures que Ferrier constata la disparition des perceptions auditives chez ces animaux[1].

La différence du développement de la première circonvolution temporale sur l’hémisphère droit et sur le gauche chez Bertillon est trop prononcée pour qu’aucune contestation soit possible à ce sujet. À droite, cette circonvolution est mince et presque rectiligne. À gauche, elle est large, longue, sinueuse et divisée par plusieurs rameaux et incisures que l’on peut considérer comme un commencement de dédoublement. Le dédoublement est même complet vers l’extrémité occipitale. On voit, en outre, dans la scissure de Sylvius, de petits mamelons qui indiquent encore une tendance au dédoublement. Ces faits sont reproduits fidèlement du reste dans les figures ci-dessus qui représentent en grandeur naturelle les parties moyennes de chaque hémisphère dessinées par moi au stéréographe de Broca et étalées planisphériquement, de façon à ce qu’on puisse suivre chaque circonvolution verticale depuis la scissure de Sylvius jusqu’à son point de réflexion supérieur dans la grande scissure interhémisphérique[2].

Ces faits ne sauraient évidemment suffire pour démontrer que la première circonvolution temporale est le siège des sensations auditives, mais, rapprochés des expériences de Ferrier, ils rendent probable cette localisation chez l’homme et la démonstration sera faite si quelques autres cas, même en très petit nombre, viennent se joindre à celui de Bertillon. On peut espérer que cette vérification ne se fera pas longtemps attendre.

L’étude histologique du cerveau de Bertillon n’a pas été faite, et peut-

  1. Ferrier, Fonctions of the Brain, p. 174.
  2. Pour obtenir ces figures planisphériques, on a d’abord dessiné séparément avec le stéréographe et d’après un beau moulage de M. Chudzinski la face externe et la face supérieure de chaque hémisphère. Puis on a retranché de la projection de la face externe et de celle de la face supérieure leurs portions communes, c’est-à-dire celles qui n’avaient pu être dessinées exactement de face avec leurs dimensions réelles. Les portions restantes ont été enfin raccordées ensemble à l’aide de plusieurs points de repère. Les figures ci-dessus reproduisent ainsi fidèlement les dimensions de chaque circonvolution, sauf dans les parties extrêmes droite et gauche, où le raccordement n’a pu être effectué. Les parties où les dimensions sont inexactes sont indiquées par des pointillés.