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Revue de l’hypnotisme.

(Août à octobre 1888.)

Liégeois. Un nouvel état psychologique. — M. Liégeois a observé que, lorsqu’on donne à un sujet une hallucination négative relativement à une personne présente, c’est-à-dire, en d’autres termes, lorsqu’on supprime, par suggestion, la perception d’une personne présente, cette personne peut encore adresser au sujet des suggestions efficaces, en lui parlant à la troisième personne. « M. Liébault, dit l’auteur, endort Camille, et, sur ma demande, il lui suggère qu’elle ne me verra, ni ne m’entendra plus… Réveillé, le sujet est en rapport avec tout le monde ; seul, je n’existe pas pour elle. Si je m’adresse directement à Camille S…, si je lui demande, par exemple, comment elle va, sa physionomie reste impassible… Je procède alors impersonnellement ; parlant, non pas en mon nom, mais comme s’il s’agissait d’une voix intérieure exprimant des pensées que le sujet tirerait de son propre fonds… je dis à haute voix : « Camille a soif ; elle va aller demander à la cuisine un verre d’eau qu’elle apportera sur cette table. » Elle semble n’avoir rien entendu et cependant, au bout de quelques minutes, elle fait la démarche indiquée. On lui demande pourquoi elle a apporté le verre qu’elle vient de poser sur la table : « Elle ne sait ce qu’on veut lui dire, elle n’a pas bougé ; il n’y a là aucun verre. » Ce n’est point là, comme M. Liégeois le suppose à tort, un état psychologique nouveau. Ces phénomènes consistent dans un dédoublement de la personnalité, ou plus exactement dans la production de deux personnalités coexistantes. M. Pierre Janet est le premier qui ait donné une description scientifique de ces phénomènes, il y a deux ans environ ; il a indiqué plusieurs moyens de produire le dédoublement : le moyen le plus net est de parler au sujet pendant que l’attention de celui-ci est occupée par une autre personne ; on opère ainsi par distraction. MM. Binet et Féré ont indiqué un moyen plus simple de dédoubler les sujets, lorsqu’ils sont hystériques hémianesthésiques, c’est de profiter de leur anesthésie. La nouvelle méthode, imaginée par M. Liégeois, se rapproche beaucoup de celle de M. Janet. Quoi qu’il en soit, tous ces faits sont intéressants à connaître ; leur généralité prouve leur exactitude.

Delbœuf. Origine des effets curatifs instantanés de l’hypnotisme sur les maladies chroniques. — M. Delbœuf a montré que la suggestion peut, non seulement, comme on le sait déjà, provoquer un processus organique destructif, par exemple une hémorrhagie, une vésication, etc. ; mais encore provoquer un processus réparateur, et hâter la guérison d’une plaie réelle. L’auteur a expliqué ce dernier phénomène en disant que la suggestion supprime la douleur, laquelle serait « une des causes du processus inflammatoire ». Cette interprétation est-elle exacte ? Il serait facile de le savoir en faisant une contre-épreuve,