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sont ouverts en même temps, les excitations visuelles reçues par chacun d’eux exercent sur l’autre œil, sur sa sensibilité chromatique, sur l’étendue de son champ visuel une action dynamogène. On produit d’ailleurs le même effet par des excitations cutanées ou sonores.

Anesthésie des tissus profonds. — Après avoir montré que les os, le périoste, les ligaments articulaires et les troncs nerveux des membres peuvent être insensibles, l’auteur aborde la question du sens musculaire. Nous n’analyserons pas cette partie, qui est très incomplète. Nous nous contenterons de signaler quelques points intéressants. M. Pitres a constaté, en même temps que nous, que certaines hystériques présentent de l’anesthésie à la fatigue ; ses observations contiennent les mêmes détails particuliers que les nôtres (voir Arch. de physiologie, octobre 1887). Relativement à la perte de la notion de position des membres, l’auteur remarque avec sagacité que ce symptôme peut se présenter sans anesthésie musculaire ; le fait est d’autant plus intéressant à remarquer qu’aujourd’hui encore, dans plus d’une clinique, lorsqu’on veut s’assurer de l’état du sens musculaire, on examine si le malade a conscience des mouvements passifs et de la position de ses membres. Enfin, nous relevons en passant l’étude clinique très détaillée d’un cas de paralysie de la conscience musculaire (Duchenne). Il s’agit d’un malade hystérique qui ne peut pas remuer volontairement son bras droit, quand il a les yeux fermés ; il le remue au contraire très facilement quand il a les yeux ouverts. M. Pitres, dans une série d’expériences très ingénieuses, a remarqué que ce malade peut remuer son bras droit, les yeux fermés, quand le mouvement est associé à celui du bras gauche, par exemple si le sujet simule les actes de la boxe ou de la nage. M. Pitres remarque que ce que Duchenne a improprement appelé conscience musculaire n’appartient pas au groupe des phénomènes sensitifs. « La prétendue paralysie de la conscience, dit-il, est un trouble des organes cérébraux d’où partent les incitations motrices. » Nous avons soutenu une thèse analogue, avec preuves à l’appui, dans notre article sur le sens musculaire chez les hystériques. (Revue philos., 1888.)

Nous nous sommes attardés sur les parties intéressantes du travail de M. Pitres. Nous signalerons brièvement ce qui reste. L’auteur étudie encore la distribution topographique des anesthésies hystériques ; il montre à ce sujet que l’hémianesthésie sensitivo-sensorielle classique n’est pas réelle, et n’a que la valeur d’un schéma. Il consacre deux leçons aux actions des esthésiogènes. Enfin, il termine par des considérations sur la signification pathogénique des anesthésies hystériques. Il pense que l’anesthésie hystérique est le résultat d’une inertie fonctionnelle ; elle ne siège ni dans les organes périphériques, ni dans les centres psycho-sensoriels de l’écorce, mais dans les organes des sensations brutes, c’est-à-dire dans les cellules ganglionnaires de la base de l’encéphale. Il y aurait, au point de vue purement psychologique, beaucoup à critiquer dans ces hypothèses ; mais il faut avouer