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tance mimique, il ajoute qu’ils servent aussi à seconder l’activité des organes des sens et à renforcer les perceptions.

Tels sont les principes : le lecteur français se souviendra peut-être d’avoir lu des développements analogues et, en effet, ils rappellent assez directement l’ouvrage de Gratiolet sur la Physionomie et les mouvements d’expression. La similitude peut même susciter un procès d’antériorité et une accusation de plagiat. La première édition du livre de M. Piderit est de 1867 ; la publication posthume de l’ouvrage de Gratiolet est de 1865 la question se trouverait donc résolue par les dates. M. Piderit nous dit dans une note : « Gratiolet ne faisant pas mention de mes travaux antérieurs, je me permets de réclamer ici le droit de priorité pour mes manières de voir, et de faire remarquer que, en 1859, dans une séance de la Société de biologie et en présence de MM. Cl. Bernard, Brown-Séquard, Roger, etc., j’ai fait un discours sur mon système de mimique et de physiognomonie, discours que le président, M. le Dr Roger, a publié dans le n° 46 de la Gazette médicale et que M. le professeur Gratiolet, membre de la Société, aurait dû remarquer avec d’autant plus de facilité que les gravures sur bois devaient frapper les yeux des lecteurs. » N’y eût-il pas de gravures sur bois, il serait difficile de prouver que Gratiolet n’a pas lu ce discours ; mais sans nous faire juge du débat, nous oserons faire remarquer à l’auteur que ses réclamations auraient plus d’autorité s’il avait montré un peu plus de justice pour ses devanciers français. Passons condamnation pour Lebrun, puisque la glande pinéale est un crime irrémissible, mais M. Piderit, dont l’érudition est si étendue, comme en témoigne la partie historique de son ouvrage, aurait pu rappeler que les travaux de Cureau de la Chambre sur l’art de connaître les hommes ne sont point à dédaigner ; il ne le nomme pas, non plus que Laurent Joubert qui, dès 1579, a écrit un Traité du Ris contenant son essence, ses causes et merveilleux effets curieusement recherchés, raisonnés et observés, où se trouve précisément la théorie renouvelée par le psychologue allemand, théorie que Joubert démontre par des raisons et des observations fort ingénieuses. « L’essence du ridicule, nous dit M. Piderit, réside dans une oscillation rapide, intermittente entre le plaisir et le déplaisir, dans laquelle la sensation joyeuse est fortement renfoncée et relevée par l’effet opposé et alternant du déplaisir. » — « La chose ridicule, dit Joubert, nous donne plaisir et tristesse, plaisir de ce qu’on la trouve indigne de pitié et qu’il n’y a pas de dommage ni mal qu’on estime d’importance. Donc le cœur s’en éjouit et s’élargit comme en la vraie joie. Il faut aussi de la tristesse pour ce que tout ridicule provient de laideur et messéance ; le cœur marry de telle vilainie, comme sentant douleur, s’étrécit et resserre. » Oscillation de l’esprit entre deux jugements, attente constamment déçue comme dans le chatouillement que Joubert a admirablement analysé, ce sont des explications souvent employées — non sans pédantisme parfois — et qui se retrouvent toutes dans le traité de notre médecin ; il ne serait que temps de lui