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ANALYSES.piderit. La Mimique et la Physiognomonie.

mimique : Toute représentation s’offrant en tant qu’objet, les mouvements musculaires d’expression occasionnés par des impressions représentatives se rapportent à des objets imaginaires. Ce qui confirme ce principe déjà justifié par les considérations précédentes, c’est l’usage constant, dans toutes les langues humaines, d’exprimer par une sorte de transposition instructive l’abstrait en fonctions du concret : un souvenir est amer, une pensée est sombre, un sentiment est ardent, etc. L’auteur aurait pu à ce propos citer l’autorité de M. Sully Prudhomme, qui a dressé un tableau fort complet et très curieux de ces transpositions.

La deuxième proposition fondamentale de la mimique est ainsi formulée : Les mouvements musculaires d’expression occasionnés par des représentations agréables et désagréables se rapportent à des impressions sensorielles harmonieuses (agréables) ou inharmonieuses (désagréables). Pour essayer de parler plus clairement, les mouvements mimiques ont ce caractère universel qu’ils semblent faciliter l’impression de plaisir et mettre obstacle à l’impression douloureuse. S’il est vrai, comme le veut Spinoza, que le désir fondamental soit de persévérer dans l’être et que la joie soit le signe d’une augmentation, la tristesse d’une diminution de l’être et de la vie, il se trouverait qu’en vertu de cette seconde loi l’expression mimique serait un cas particulier de l’instinct de conservation, puisqu’en facilitant le plaisir ils accroîtraient l’intensité de la vie. Il faut noter encore que le mouvement mimique est d’autant plus intense que l’impression ressentie ou imaginée est : 1o plus agréable ou plus désagréable ; 2o plus soudaine et plus inattendue. L’auteur nous dit avec un peu de brutalité de langage que l’esprit est plus vivement impressionné par la représentation de la bien-aimée que par la représentation d’une canne ! » et que l’expression mimique est en raison directe de l’impression psychique ; puis il expose la loi de contraste et montre qu’un passage soudain de l’obscurité à la lumière, du silence au bruit, de la joie à la tristesse, de l’espérance au désespoir, se traduit énergiquement dans la physionomie qui se met en harmonie avec le milieu ambiant ou le milieu intérieur et psychique : cette prompte adaptation se manifeste parfois d’une façon saisissante et on peut l’étudier par exemple sur le visage des enfants qui assistent à une représentation de marionnettes. Ajoutons enfin que les mouvements mimiques se manifestent principalement dans les muscles du visage, si nombreux et si mobiles, parce que, dit l’auteur, leur point d’origine est fort rapproché de l’organe psychique. Peut-être devait-il dès lors montrer plus d’indulgence pour le peintre Lebrun et ses explications de l’expression des passions qui font si souvent intervenir la glande pinéale, siège de l’âme, comme on disait alors, organe psychique, comme on dirait maintenant : M. Piderit le raille impitoyablement ; ne vaudrait-il pas mieux laisser à chaque philosophe le droit de parler la langue de son siècle et de sa secte ? Cette proximité des muscles faciaux n’est pas d’ailleurs la seule raison qu’il donne de leur impor-