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ANALYSES.carrau. Philosophie religieuse en Angleterre.

d’un auteur animé de l’esprit leibnizien qu’une indication de la marche de Kant vers ce point de vue finaliste où il va rejoindre son adversaire d’autrefois ? Dans un livre qui est sérieux, où l’on a renoncé à la clarté fausse des manuels du temps jadis, où, par là même, on exige de qui s’en sert un peu d’intelligence et d’attention, il n’y avait pas lieu de reculer même devant une analyse de la plus difficile des trois Critiques ; et, d’une manière générale, il ne fallait pas hésiter, ce semble, à développer avec toute sa rigueur systématique la philosophie des causes finales. L’ouvrage en aurait reçu un grand accroissement de clarté réelle et il aurait satisfait, sans réserves, jusqu’à des lecteurs un peu trop exigeants peut-être, tels que nous craignons bien d’avoir été.

O. Hamelin.

Ludovic Carrau. La philosophie religieuse en Angleterre depuis Locke jusqu’a nos jours. 1 vol.  in-8o, vii-295 p. Paris, 1888, F. Alcan.

Comme M. Carrau l’a bien vu, il y a positivement quelque vaillance à écrire ce livre en ce moment. Nous ne nous dissimulons pas, dit-il, en écrivant ces pages, combien les idées qu’elles expriment paraîtront surannées à plusieurs. La philosophie religieuse fait aujourd’hui à nombre de gens l’effet de l’astrologie. Ce n’est pas que peut-être il voie exactement où elles sont les causes de l’impression dont il se défie, quand il ajoute : « Dans le courant d’athéisme qui semble emporter la fin de ce siècle, il faut presque du courage pour oser dire qu’on croit avoir des raisons d’admettre encore l’existence de Dieu. N’est-ce pas tourner le dos à la science, au progrès, et se dénoncer de plus comme un fauteur de despotisme monarchique et clérical ? Non, ce n’est pas cela tout à fait. Notre temps n’est pas plus athée que d’autres, il est même plus ouvert que bien d’autres (j’entends le public pensant, seul en cause) à toute manifestation sincère de la pensée philosophique. Ce qui est vrai, c’est que les philosophes l’entretiennent très peu de leurs croyances religieuses. Il est moins hostile à telle ou telle profession de foi que distrait à l’égard des problèmes et déshabitué de s’intéresser à ces discussions, un peu rebattues, il faut bien le dire, et où il n’est pas facile d’apporter du nouveau. Encore a-t-on pu voir, par exemple à propos des Essais sur la Religion de Stuart Mill, que lorsqu’un penseur d’une indépendance notoire et d’une dialectique serrée, passant à la fois pour être bien de son temps et en braver au besoin les préjugés, livre ses méditations sur le problème religieux, le public compétent ne les accueille pas seulement avec respect, mais y prend un intérêt véritable. C’est ce que M. Carrau verra, nous l’espérons, pour son propre livre, pensé avec une sûreté d’esprit et une connaissance des questions, écrit avec une sincérité d’accent et une pureté