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moraliste abordant ces questions ne se trouva plus utilement doublé d’un homme politique soucieux de tous les détails et touché de toutes les difficultés. La plus grande est de détruire le préjugé, inconscient souvent, mais invincible, qui, tous plus ou moins, nous fait tendre à n’admettre que la « liberté du bien » et à ne tolérer que ce qui nous agrée. « Il y faut surtout, dit excellemment M. Beaussire, l’éducation de la liberté : l’habitude du respect pour les sentiments et pour les actes qui nous choquent le plus, la fréquentation d’hommes de toute opinion, le souvenir toujours en éveil des conséquences funestes qu’a eues dans tous les temps le fanatisme du bien. » L’étude abstraite et rationnelle du droit, ajoute-t-il, donne à une telle éducation son principe. Oui ; et c’est pourquoi le livre de M. Beaussire lu et médité par tous ceux qui forment et manient l’opinion me paraîtrait propre, entre tout ce qu’on a écrit en France depuis des années, à exercer une action utile sur les idées et sur les mœurs.

Henri Marion.

E. Boirac. Cours élémentaire de philosophie. 1 vol.  in-8o de 582 p. F. Alcan, 1888.

Voici encore un bon manuel de philosophie. Il se recommande tout d’abord par ses qualités extérieures : c’est un ouvrage terminé, dont les dimensions et le prix sont modiques.

Mais le fond du livre mérite lui-même l’attention. Il la mérite au point de vue doctrinal et au point de vue pédagogique. Toutefois c’est surtout au dernier que nous nous sommes placé en le lisant. Ce n’est pas à dire que nous regardions comme négligeable la question de doctrine dans un ouvrage d’enseignement. Notre pensée est même tout autre. Rien ne nous paraîtrait plus favorable aux études, maintenant qu’il n’y a plus de philosophie officielle, que l’apparition de manuels fortement systématisés où chacune des écoles entre lesquelles se partage notre personnel enseignant, articulerait les pièces principales de sa doctrine. Mais c’est précisément à une préoccupation pédagogique que nous croyons obéir en pensant ainsi. La netteté et la cohérence des idées sont indispensables à l’éducation de l’intelligence et aussi de la volonté.

M. Boirac a voulu que son livre contint, sous forme plus ou moins développée, tout ce qu’un élève de philosophie a besoin de savoir et l’on peut dire qu’en somme il a atteint son but. Quelques cas exceptés[1], il n’omet pas d’informations importantes, et, par l’indication d’ouvrages à consulter à la fin de chacun de ses chapitres, il met très commodé-

  1. Par exemple le nom même de l’hypnotisme n’est pas prononcé à propos de l’expérimentation en psychologie (p. 15-17).