Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée
266
revue philosophique

pouvons envisager la question sous un autre aspect et nous demander s’il existe quelque rapport entre les différents états physiologiques qui ont abouti à la création des changements phonétiques, en vigueur ; ou, autrement dit, si en phonétique les lois particulières sont dominées par une loi générale.

Il est bon de constater d’abord que tous les états physiologiques capables de produire des changements dans la prononciation de tel ou tel individu n’ont pas fait souche de variantes ; les seuls changements qui correspondaient à des aptitudes plus ou moins latentes chez le commun des hommes avaient chance d’être adoptés, ce qui excluait en dernière analyse les anomalies réelles et les monstruosités.

Les remarques suivantes contribueront surtout à fixer nos idées sur la question :

1o La plupart des changements phonétiques sont les mêmes dans tout le groupe des langues indo-européennes.

Ainsi, pour les voyelles, changement de a en e ;

de o en u (ou) ;

de e en i ;
et d’une manière générale des longues en brèves.

Pour les consonnes :

chute de s (ou de n) initial d’un groupe de consonnes ;

assimilation de deux consonnes contiguës ;

transformation des gutturales en chuintantes ;

rhotacisme de s ;

lambdacisme de r ;

désaspiration des aspirées ;

adoucissement des fortes, etc.

2o Les changements phonétiques spontanés et bien constatés se font en général moyennant un effort musculaire moindre que celui qu’exige le son primitif.

Cette observation est en parfaite harmonie avec ce que nous avons vu plus haut relativement à l’origine sûre de certains changements phonétiques. Le lambdacisme (l pour r), le dentalisme (t pour k), le zézaiement (chuintantes pour gutturales, et sifflantes pour chuintantes) sont des particularités de prononciation que les adultes qui en sont affectés ont en commun avec les enfants. La cause évidente en est une faiblesse musculaire dans certaines parties des organes de la voix. L’homme qui lambdacise nécessairement est, eu égard à celui qui ne lambdacise que volontairement, c’est-à-dire qui prononce l ou r ad libitum, comme le portefaix incapable de charger sur ses épaules un poids supérieur à 50 kilogr. auprès de son camarade