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L’élément douleur physique a été étudié précédemment ; je n’ai pas à y revenir. Je rappellerai seulement que l’analyse de la douleur physique nous a conduit à ramener la sensation douloureuse qui a son siège dans les centres nerveux sensitifs à trois origines ou mieux à trois états de ces centres.

1o L’activité d’un centre nerveux sensitif peut être augmentée outre mesure, soit que l’intensité de l’excitation soit trop forte, soit que l’excitabilité du centre sensitif au moment de l’excitation soit trop considérable, soit enfin que son activité soit trop prolongée ; à cette suractivité fonctionnelle exagérée correspond une première forme de douleur, douleur de fatigue.

2o L’activité d’un centre sensitif peut être arrêtée brusquement à un moment donné ; il y a là un phénomène d’arrêt ou d’inhibition sur lequel j’ai assez insisté dans les chapitres précédents. À cet arrêt brusque de l’activité du centre sensitif correspond une deuxième forme de douleur, douleur d’arrêt ou d’inhibition.

3o Un centre sensitif peut rester inactif pendant un certain temps ; si cette inactivité se prolonge trop longtemps, il survient un état particulier, douloureux quand il acquiert une certaine intensité, et qui n’est que l’exagération du besoin ou du désir ; douleur de besoin ou douleur d’inaction.

Dans les conditions ordinaires, les centres sensitifs sont surtout excités par des irritations partant soit de la périphérie, soit d’un point quelconque des conducteurs nerveux ; mais les douleurs peuvent aussi, comme nous l’avons vu, être produites par des causes centrales, situées dans l’encéphale même et agissant directement sur les centres sensitifs ; tels sont : l’état du sang, certaines substances toxiques et, en dernier lieu, des excitations qui partent d’autres centres encéphaliques.

Je n’ai pas besoin ici d’insister sur ces faits ; ils sont d’observation journalière et mentionnés par tous les auteurs qui se sont occupés de ces questions. J’en ai parlé du reste dans les chapitres précédents et j’aurai occasion d’y revenir plus loin.

Comment maintenant se produit l’élément moral de la douleur ? L’analyse minutieuse des faits nous conduit aux conclusions suivantes.

Les émotions, les perceptions, les idées concrètes et abstraites, en un mot toutes les manifestations émotives et intellectuelles ont pour condition l’activité de centres nerveux encéphaliques, qu’on peut appeler centres psychiques, centres qui se superposent aux centres sensitifs proprement dits et qui mettent en œuvre les données fournies par ces centres sensitifs. Je laisse de côté ici la question de