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Qu’ainsi posé, l’absolu, ou ce qui revient au même le réel puisse devenir l’objet d’un ordre de spéculations à part, c’est là assurément l’essentiel du problème que nous avons à traiter, mais, avant de l’aborder, il importait de circonscrire et de définir exactement l’idée qu’on doit se faire de la métaphysique pour voir ensuite si elle est possible et par quelle méthode.

Au point où nous en sommes, il faut affirmer qu’elle spécule sur l’être, c’est-à-dire sur la réalité même, ou qu’elle n’est pas.

Lui donner un autre objet, le phénomène par exemple, même sous sa forme la plus générale et la plus haute, c’est se méprendre sur les conditions de son existence et faire violence au cadre où il importe avant tout de la maintenir.

Il suit de là que toute métaphysique est par définition réaliste. On fait souvent du réalisme un système comme les autres en philosophie. Une telle confusion est des plus graves. Il ne peut y avoir de système métaphysique que dans la donnée du réel.

Le terme réalisme lui-même est peut-être trop vague, car il pourrait convenir encore à des doctrines qui, abaissant la réalité jusqu’au phénomène, refusent de mettre l’être à sa place qui est la première. Si la métaphysique est l’étude spéciale, exclusive de l’être, le nom qui lui convient le mieux est celui d’ontologie, qu’on lui a souvent donné et qui désigne exactement son objet.

La phénoménologie c’est la science.

À la phénoménologie s’oppose l’ontologie, comme à ce qui paraît ce qui est.

C’est ce qu’avait démêlé, avec la merveilleuse précision de son génie, le philosophe qui donnait pour matière à la métaphysique l’être en tant qu’être, ὄν ἤ ὄν, cet être que Platon avait déjà entrevu sous la forme de l’action en soi et par soi, c’est-à-dire de l’énergie ou puissance, δύναμις[1].

Cette conception, dont il semble qu’on n’ait pas compris toute la portée, tant on a paru pressé de l’abandonner pour des définitions plus vagues, est, selon nous, la seule exacte, la seule qui enferme la métaphysique dans le domaine qui lui est propre et qu’elle ne saurait franchir.

Peut-être fera-t-on observer qu’elle exclut une doctrine importante qui, tout en faisant le procès à la métaphysique, n’entend pas néanmoins se condamner au terre-à-terre de la science, savoir le phénoménisme, qui, préoccupé avant tout d’écarter l’être comme impensable, refuse de sortir du relatif.

  1. Platon, Sophiste, ch. xxxiv.