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société de psychologie physiologique

étage ; leur lit est au fond de la chambre, à gauche. Le lit de la nourrice est à droite, et le berceau d’Henri touche le lit de la nourrice. »

« L’indication de l’appartement et la disposition des lits étaient parfaitement exactes, et le lendemain je recevais une lettre dans laquelle mon beau-père m’annonçait que mon enfant avait sa quatrième dent.

« Quelques jours après, Janicaud revient vers la même heure, m’annonçant encore qu’il arrive de Vendôme, et qu’un accident est survenu dans la journée à mon enfant. Ma femme effrayée lui demande avec anxiété quel est cet accident.

— Oh ! ne craignez rien, madame ; rassurez-vous, cela n’aura pas de suite grave, quoi qu’en pense le médecin qui est en ce moment auprès de l’enfant. Si j’avais su vous causer tant d’effroi, je ne vous en aurais pas parlé ; encore une fois, rassurez-vous, cela ne sera rien ».

« Dès le lendemain matin j’écrivis à mon beau-père pour l’informer de ce que m’avait dit Janicaud, et le prier de me donner par le retour du courrier des nouvelles de mon enfant. La réponse fut qu’il se portait parfaitement et qu’aucun accident ne lui était arrivé.

« Mais au mois de septembre, quand je me rendis dans ma famille pour y passer mes vacances, j’appris toute la vérité, que, sur l’avis du médecin, mon beau-père m’avait cachée dans la crainte de nous causer de l’inquiétude, à ma femme et à moi. Il me dit qu’au moment même où Janicaud était venu m’annoncer un accident, le médecin désespérait que l’enfant vit le jour le lendemain ; que ce jour-là la nourrice, dans un moment où elle était restée seule à la maison, s’était emparée de la clef de la cave et s’était mise dans un état complet d’ivresse, et que l’enfant, après avoir sucé le lait de cette malheureuse femme, avait été pris de vomissements violents qui, pendant plusieurs jours, avaient mis sa vie en danger.

« Une nuit Janicaud se lève brusquement sur son lit, et s’adressant à l’un de ses camarades : « Tiens, Roullet, vois comme tu es négligent. Je t’avais bien recommandé de fermer l’atelier de reliure, tu ne l’as pas fait, et voilà qu’un chat, en mangeant la pâte, vient de faire tomber le plat qui la contenait et qui s’est brisé en cinq morceaux. »

« On descend aussitôt à l’atelier, où l’on constate que ce que vient de dire le somnambule est parfaitement exact.

« La nuit suivante, il raconte qu’il voit sur la route de Glény le cadavre d’un homme qui s’est noyé en se baignant dans la Creuse, et qu’on ramène à Guéret dans une voiture. Le lendemain matin j’allai aux informations, et j’appris qu’en effet un habitant de la ville s’était noyé la veille à Glény et que son cadavre avait été ramené à Guéret pendant la nuit. Or, personne dans l’établissement, ni même dans la ville, n’avait eu connaissance, la veille, de cet accident[1].

  1. Des faits de même nature sont rapportés par le Dr Macario (Du sommeil, des rêves et du somnambulisme, 1857), qui les emprunte à F. Lebeuf. Il s’agit aussi de somnambulisme spontané. (Dr D.)