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sérieusement ces phénomènes ? Nullement ; pas mieux, je le répète, que nous ne pouvons expliquer les faits que j’ai rapportés.

« Est-ce à dire qu’il ne viendra pas un temps où ces questions seront approfondies ? Je crois fermement que ce temps viendra, mais nous ne le verrons pas. — Dr Azam. »

Personne ne doutera des faits observés par mon très honoré confrère de Bordeaux. C’est à peine s’ils étonneront ceux qui connaissent l’histoire du magnétisme ou somnambulisme provoqué et sont au courant des progrès modernes.

Ceux que je vais citer à mon tour seront-ils accueillis avec la même confiance ? Je commence par déclarer que le contraire ne m’étonnerait ni ne me blesserait, car si je n’avais pas vu, de mes yeux vu, je ne sais pas si je croirais. Avant d’entrer en matière, peut-être ferai-je bien de raconter un épisode qui montrera combien j’étais peu disposé à la crédulité. Le voici en quelques lignes :

Avant de quitter Paris, en 1845, j’eus la curiosité d’aller consulter quelques somnambules dites lucides, en grande réputation à cette époque. J’avais pour compagnon de chambre un singe qui me permit de lui couper une mèche de poils sous le ventre et qui parut s’intéresser beaucoup au soin qu’il me voyait prendre pour mettre sous double enveloppe cette minime portion de sa personne, tout en m’interrogeant d’un regard un peu inquiet.

La première marchande de consultations à qui je remis d’un air naïf mon petit paquet le retourna entre ses doigts, le palpa dans tous les sens, et me révéla — non sans ménagements pour ma sensibilité — « que ma grand’mère, à qui appartenait cette mèche de cheveux blancs, était atteinte d’un cancer du foie, affection assez grave, mais qui guérirait cependant à la longue, si elle suivait le traitement qu’elle allait prescrire ». Je gardai mon sérieux pendant que le barnum rédigeait, sous la dictée de la dame, une consultation — trop stupide pour que j’aie songé à la conserver.

Pour une autre somnambule extra-lucide, c’était encore une mèche de cheveux, « coupée sur une tête qui m’était chère, mais en qui je ne devais pas avoir confiance ».

De même pour une troisième, qui me fit une description anatomique on ne peut plus fantaisiste des organes malades chez la personne à qui appartenaient ces cheveux, etc., etc. J’étais donc mal préparé à gober les tours de passe-passe des artistes extra-lucides.

Ceci posé, j’entre en matière.

II

Une seule des somnambules que j’ai eu occasion d’observer était douée de la vision mentale ou double vue ; c’était la servante de mon confrère