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société de psychologie physiologique

« Nous faisions nos expériences dans un pavillon très isolé, situé à l’extrémité d’un vaste jardin sillonné de nombreuses allées ; or, nous étions convenus entre nous, à l’avance et absolument en dehors du jeune homme, que nous le ferions promener dans le jardin et qu’à un point d’une allée que nous avions remarqué d’après la disposition de quelques feuilles tombées, le sujet, circulant librement partout, serait arrêté par un obstacle imaginaire infranchissable.

« M. M., seul en communication avec lui, devait lui imposer, mentalement et à distance, l’ordre de cet arrêt. Tout se passa comme il était décidé : appelé par M. M., notre sujet suivant l’allée convenue a été subitement arrêté, comme par un mur. M. M., insistant dans son appel, la physionomie du sujet exprime l’angoisse et la colère : « Je ne peux pas,… je ne peux pas passer », dit-il, d’un air désespéré.

« Je sais, mon cher confrère, que les passionnés dans les questions de magnétisme ou d’hypnotisme ne verront dans ce fait rien que de fort ordinaire ; pour moi il est considérable, car les précautions prises, l’honorabilité et la compétence des témoins, et le seul but scientifique poursuivi, éloignent absolument l’idée d’une illusion ou d’une tromperie. Nos confrères et moi, familiers tous trois avec les hystériques, savons nous en méfier, et, dans les questions de cet ordre, demeurer plutôt en deçà qu’au delà de la vérité.

« Il serait donc possible, d’après les deux faits précédents, — je ne vise que ceux-là, — qu’un individu étant dans le somnambulisme provoqué, puisse éprouver une sensation déterminée, ressentie par la personne qui l’a endormi, et à lui communiquée seulement par la pensée. Comment le contact de la main pourrait-il indiquer le goût du sel, à moins de conventions préalables ?

« Il est possible aussi que cet individu puisse obéir à un ordre déterminé, à lui intimé à distance par une volonté non exprimée : nous l’avons vu tout à l’heure.

« Je ne développerai pas ici toutes les réflexions qui me viennent à l’esprit à ce sujet ; une lettre ne s’y prête pas ; cependant je ne puis me dispenser de rapprocher ces faits de ceux que vous citez et d’en faire quelques-unes.

« Le fait de communication à distance entre deux individus, sans l’emploi des moyens usités, leur est commun ; mais dans ceux que vous rapportez la distance est beaucoup plus grande et il n’y a eu nul intermédiaire appréciable. En fait, cette distance est toute la question et suppose une force ; on me dira que c’est la force neurique… ; donnons-lui le nom qu’on voudra, il n’est pas moins certain qu’elle existe. Si extraordinaire qu’elle soit, elle a des analogues que nous n’expliquons pas mieux. Le principal de ces analogues est l’aimant ; il agit à distance au travers d’intermédiaires qui arrêtent nombre d’autres forces ; l’aiguille aimantée, attirée par une puissance formidable et inaccessible à nos sens, tourne toujours dans la même direction, et son inclinaison et sa décli— naison indiquent un centre d’attraction gigantesque. Expliquons-nous