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M. Barbié du Bocage ne descend guère des généralités aux détails. On trouve dans son livre une cosmogonie, une physique, une biologie, une psychologie, une ethnographie et une histoire. Ces deux dernières parties sont traitées par lui avec le plus d’abondance. Il cherche, dans la vie des peuples différents, « ce qui mène à des conclusions démontrant la vérité du christianisme et le moyen de parvenir au but qu’il nous indique ». Il dépeint avec tristesse les malheurs de la France de ce temps, dont il charge les doctrines matérialistes ; il a de bonnes pages sur la famille, sur les dangers de l’instruction à outrance. Son admiration pour les savants est sincère, et il rêve de réconcilier la science avec la religion. Il sent le prix du catholicisme comme gouvernement des âmes ; il ne pense pas qu’une autre religion soit capable de nous rendre les mêmes services. Mais la religion catholique est en péril, et il supplie ses conducteurs de ne pas déserter la recherche scientifique, d’entrer « dans le mouvement ». « Si la corde qui l’attache au rivage devient gênante, qu’elle la dénoue ; mais qu’elle saisisse les rames et l’aviron, vrais instruments de sauvetage. »

M. Barbié du Bocage a étudié longuement, pour demeurer chrétien. Il professe un absolu spiritualisme. L’éther même, la seule matière dont tout fut formé, selon sa théorie cosmique, s’anéantira un jour : « La spiritualité sera seule et le juste reprendra son empire. » Il a le frisson de la vérité suprême ; il lui semble ne plus voir, ne plus sentir comme auparavant. « Une harmonie immense m’entoure, me pénètre ; c’est comme une musique intérieure admirablement rythmée qui résonne et me charme. Autour de moi, quelle éblouissante lumière ! » Il crie vers Dieu, et termine par un acte de foi ce livre commencé en disant le nom de l’épouse aimée qu’il a perdue.

Lucien Arréat.

Francis Darwin. — La Vie et la Correspondance de Charles Darwin, avec un chapitre autobiographique, traduit de l’anglais par Henry C. de Varigny. Tome second. Paris, C. Reinwald, 1 vol.  in-8o, 794 p.. 1888.

Ce second volume, enseignant d’ailleurs et instructif, n’ajoute pas beaucoup à la connaissance de Darwin que le premier nous avait donnée. Cà et là pourtant quelque nouvelle anecdote complète le portrait. « À propos d’un conseil de fabrique qu’on avait réuni au sujet d’une contestation de peu d’importance, raconte le révérend J. Brodies Innes, je fus étonné de recevoir la visite de M. Darwin le soir. Il venait pour me dire qu’en réfléchissant au sujet du débat, il avait pensé, bien que ce qu’il en eût dit fût absolument exact, que j’aurais cependant pu, à son avis, en tirer une conclusion erronée et qu’il ne voulait pas prendre de sommeil avant de m’avoir expliqué la chose. » M. Romanes