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résulter à peu près du même degré de développement intellectuel, à cela près que l’énigme paraît exiger plus de retour sur soi-même, plus de réflexion, plus de conscience et par conséquent un peu plus de maturité. « La composition des énigmes, dit M. Tylor, appartient si essentiellement à la période du mythe dans l’histoire de la pensée humaine, que toute comparaison du langage poétique, si elle n’est pas trop cherchée, n’a besoin que d’être retournée pour devenir une énigme. » Ajoutons que la poésie voulue, cherchée donne lieu à la même remarque. On sait avec quelle facilité on tourne en énigme les descriptions générales et sans termes précis des poètes de second ordre du xviiie siècle.

A propos des proverbes on pourrait insister encore sur le rôle de l’imagination concrète qui donne une image comme exprimant une idée, un fait concret comme renfermant l’enseignement général, seul essentiel et qu’il faut savoir dégager. Pierre qui roule n’amasse pas mousse ; À bon chat, bon rat ; On prend plus de mouches avec une cuillerée de miel qu’avec des tonneaux de vinaigre, etc. Souvent, dans le cas où l’esprit est plus abstrait, le sens littéral devient incohérent et seul le sens abstrait présente une signification, comme dans le proverbe : Une clef d’or ouvre toutes sortes de serrures ; etc.

§ III.

Pour montrer la généralité de cette période d’agglutination de l’image et de l’idée, il faudrait passer en revue tous les domaines de Tactivité humaine. On comprend que ce soit impossible ; ce que nous avons vu donne déjà à croire que cet état est extrêmement répandu, mais on peut en montrer des traces visibles dans l’instrument même de la pensée dont tout le monde se sert, dans le langage.

Si certains mots ont passé d’un sens concret à un sens abstrait, cela suppose évidemment la perception d’une certaine ressemblance entre l’un et l’autre de ces sens. Ici encore nous avons bien deux systèmes, l’un concret, l’autre abstrait, renfermant des éléments communs qui les ont liés. Nous devons toutefois nous tenir en garde contre une erreur que l’on fait quelquefois : on paraît prendre le mot psychique et le mot abstrait comme des termes synonymes. Une émotion n’est pas cependant plus abstraite qu’une couleur, ni une saveur plus concrète qu’une image. Ce qui explique cette confusion, c’est que la plupart des termes matériels ont une signification synthétique et comprennent les différents attributs qui constituent une substance, mais c’est à ce titre seulement et non comme désignant une qualité sensible qu’ils peuvent être considérés comme plus con-