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sentations de l’antiquité ou d’un monde céleste sont faites avec une naïveté fort intéressante, on voit les compagnons des patriarches habillés en soldats du XVe siècle ; l’auteur non plus ne concevait d’autres combattants que ceux qu’il avait sous les yeux[1]. Mais, dans les représentations les plus abstraites, telles que les cartes, les plans, on trouve pendant longtemps des traces de représentations concrètes. Les plans de ville que l’on trouve dans les géographies modernes sont remplacés par des sortes de vues à vol d’oiseau sans exactitude et sans précision ; mais le mélange des notions abstraites et des images concrètes se voit mieux dans les cartes où les villes et les villages sont représentés par des agglomérations de petites maisons figurées[2]. Évidemment les maisons n’ont pas la prétention d’être la représentation matériellement ressemblante de la ville ou du village qu’elles indiquent, elles ne sont qu’un symbole, mais ce symbole n’est pas arrivé encore à n’être qu’un symbole abstrait, il conserve des traces de la représentation visuelle. Au lieu de représenter une agglomération de maisons par un point, comme on le fait aujourd’hui, on choisit instinctivement un signe qui ne soit pas entièrement dégagé delà réalité visible. Il est à remarquer que les montagnes ont été très longtemps représentées sur les cartes par une sorte d’imitation grossière. À une époque un peu plus éloignée, les forêts sont représentées par des arbres et peintes en vert, on voit aussi des arbres figurés sur des montagnes, et leurs dimensions ont une disproportion choquante. Sur la mer on aperçoit des vaisseaux de taille gigantesque ; quelques-uns, rapportés à l’échelle de la carte, ont une longueur de trois milliaria gallica. Dans les traités de cosmographie, on voit, pour figurer les éclipses, le soleil représenté par une tête d’or entourée d’une couronne de rayons d’or, sur un fond roux et jaune coupé de lignes noires[3].

De nos jours on trouve encore des restes de l’imagination concrète. Sur les feuilles de la carte de France au 1/100 000e, dressée par le service vicinal et dont l’exécution n’est pas encore terminée, je crois, les cours d’eau sont gravés en bleu, les bois et les forêts en vert. Évidemment le choix de cette couleur a bien été déterminé

  1. Vianna de Lima, L’Homme selon le transformisme, p. 182.
  2. Voir en particulier les Libri cronicarum imprimés à Nuremberg, par Ant. Koberger, en 1493 ; la Cosmographie universelle de Munster, augmentée par François de Belle-Forest, Paris, MDLXXV ; le Theatrum orbis terrarum de G. et J. Blacu.
  3. L’Usage des globes célestes et terrestres et des sphères du monde, précédé d’un traité de cosmographie, recueillis par le sieur Bion, à l’usage de Son Altesse Monseigneur le Prince électoral de Brandebourg. Amsterdam, M. D. C. C.