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résultat. En interrogeant avec soin les malades, on reconnaît qu’ils ont conscience d’un chiffre total, par conséquent d’un chiffre arabe ou romain ou d’un nombre écrit, qui se présente spontanément à leur esprit à la dernière excitation.

En définitive, l’image visuelle de toutes les excitations cutanées se résume sous forme de chiffre devant l’esprit du sujet et le dispense de compter chaque excitation. Il y a là comme un travail intelligent de l’inconscient qui cherche à faciliter la tâche du conscient.

Voici d’autres faits qui confirment ces idées. Lorsqu’on fait tracer à la main anesthésique un chiffre arabe, puis un second chiffre au-dessous du premier, puis une ligne transversale au-dessous du second chiffre, il arrive que le sujet inscrit spontanément au-dessous de la ligne le total des deux chiffres ; il en a fait l’addition. On écrit 3, puis 5, le sujet écrit 8. Demandons-lui maintenant à quoi il a pensé ; le sujet répond qu’il a vu dans son esprit le chiffre 3, qui s’est bientôt effacé, puis le chiffre 5 s’est présenté à son tour, et s’est effacé également ; enfin le chiffre 8 s’est présenté le dernier et, comme il a persisté plus longtemps que les autres dans la conscience, c’est celui-là que le malade a pensé.

Le sujet n’a pas conscience du rapport qui lie le troisième chiffre aux deux premiers ; il n’a pas conscience de la petite opération d’arithmétique qui est intervenue. Le fait n’est pas constant chez tous les sujets, mais il est assez fréquent. Je crois que, dans ce cas, il est exact de dire que c’est l’inconscient qui additionne les nombres, et que le conscient ne connaît que le total.

Lorsqu’on fait l’expérience en employant des chiffres élevés, ou lorsqu’on substitue à l’addition une opération plus complexe, une division par exemple, il n’est pas rare que le sujet commette des erreurs. De plus, ces expériences sont très fatigantes ; elles s’accompagnent d’une douleur de tête assez intense, quoique passagère.

Cette sorte de collaboration entre le conscient et l’inconscient n’est pas pour nous un fait entièrement nouveau.

Nous avons déjà vu un phénomène analogue lorsque nous avons étudié les mouvements inconscients qui traduisent un état de conscience prédominant ; nous avons montré que, si la conscience du sujet détermine la nature de l’idée à enregistrer, l’attitude de la main détermine la forme de l’enregistrement ; par exemple le sujet pense au chiffre 5 (le chiffre arabe) et la main se soulève cinq fois, si elle ne tient pas une plume ; dans le cas contraire, elle écrit le chiffre.

Il y a donc là, disions-nous, une sorte de concours et de collaboration entre deux personnalités. C’est ce même concours, cette même