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des efforts répétés, finissent par reconnaître leur impuissance ; de là, agacement, colère, et parfois imminence d’attaque… Le phénomène est très net chez Léonie Lav…, Louise Demange…, Hortense Jum… ; chez d’autres, la volonté conserve encore le pouvoir de modifier le chiffre déterminé par l’excitation périphérique, mais ce chiffre se retrouve fréquemment sous une forme ou sous une autre. Tel est le cas pour Schey…, qui, priée de penser à un chiffre supérieur à 10, quand on exerce sur sa main anesthésique trois pressions, répond qu’elle se représente le chiffre 13.

Chez quelques malades, au bout d’expériences répétées, l’image visuelle déterminée par l’excitation périphérique augmente d’intensité au point de s’extérioriser comme une hallucination. Ainsi, lorsqu’on pique à plusieurs reprises la main insensible de Lav…, pendant qu’elle est occupée à lire, elle voit bientôt le livre se couvrir de petits points noirs qui dissimulent et brouillent le texte ; elle est obligée de renoncer à sa lecture. Ces phénomènes pourraient peut-être servir à expliquer les prétendues observations de « transposition des sens ».

La perception, sous forme d’image visuelle, des sensations musculaires donne lieu à quelques remarques qui présentent un certain intérêt. Nous avons vu que, lorsqu’on immobilise le membre anesthésique dans une position quelconque ou qu’on le fixe dans une attitude en le contracturant, le malade, prié de dire comment il se représente son membre, indique la position exacte ; il le fait au bout d’une seconde ou deux d’hésitation, ce qui correspond au retard de la perception. Il est bien entendu, nous l’avons dit et nous le répétons, que le sujet n’éprouve aucune sensation localisée dans la main ; il se représente sa main sous forme visuelle : « Je la vois comme dessinée, dit une malade, je la vois avec sa couleur blanche. »

Deux points sont à noter relativement à cette représentation visuelle de l’attitude. Le premier, c’est que le sujet, pour se représenter la position de sa main insensible, regarde presque constamment son autre main, comme s’il l’interrogeait, ou la consultait. Dans un précédent travail, nous avons montré que chez un grand nombre d’hystériques tout phénomène moteur déterminé dans une moitié du corps tend à déterminer un second phénomène moteur de même nature, localisé dans la région symétrique. Nous avons constaté autrefois ces faits, sans chercher à les expliquer. Il serait à chercher maintenant si cette transmission du phénomène entre les deux moitiés du corps ne se fait pas sous l’influence de l’image visuelle qui est déterminée par l’excitation périphérique.

Un second fait, qui nous paraît fort curieux, c’est que, lorsque le