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BINET. — sur les altérations de la conscience

ou 5. La perception est défectueuse, mais elle se produit réellement (Lavr…, Jume…, Schey…, Clet…).

Enfin, la sensibilité tactile peut être l’objet d’une troisième expérience, beaucoup plus délicate que les précédentes ; c’est la mesure de la sensibilité au moyen de l’esthésiomètre. Cette mesure de la sensibilité n’est possible que chez les sujets qui perçoivent exactement, sous forme d’idées, l’excitation cutanée. Voici alors comment on procède : l’hystérique a la tête placée derrière un écran, ou la main ramenée derrière le dos ; on appuie sur sa peau les deux pointes du compas, en leur donnant un écart variable ; le sujet ne dit point, comme le fait un sujet sensible soumis au même examen, qu’il perçoit une seule pointe de compas ou qu’il distingue les deux ; n’étant pas averti de l’examen qu’on poursuit, il ne localise aucune sensation dans la région anesthésique. On lui demande seulement de penser à un chiffre, et, suivant l’écart des pointes et la région explorée, il répond qu’il pense au chiffre 1 ou au chiffre 2 ; à part cette forme particulière de ses réponses, l’exploration de la sensibilité chez le sujet anesthésique par inconscience se fait exactement comme chez un individu normal.

Cette méthode nous a permis d’établir la topographie de la sensibilité chez Demange, Clet…, Jume…, Schey…, dans le membre supérieur anesthésique. Nous avons constaté que la sensibilité tactile dans le membre supérieur anesthésique est presque aussi fine que dans l’autre membre, pris comme terme de comparaison. Voici quelques chiffres obtenus chez Demange :

Face palmaire de la 3e phalange des doigts, 2 millimètres ;

Face palmaire de la 2e phalange des doigts, 4 millimètres ;

Face dorsale de la 2e phalange, 10 millimètres ;

Face dorsale de la 1re phalange, 15 millimètres ;

Dos de la main, 30 millimètres.

La mesure de la sensibilité chez Clet…, Jume… et Schey… nous a donné des résultats analogues ; en général, la sensibilité du membre anesthésique est un peu moins fine que celle du membre sensible, mais la différence est très légère. Nous signalerons en passant l’intérêt de curiosité que présente la mensuration de la sensibilité à un millimètre près, chez des malades qui sont réputées complètement anesthésiques. D’autres sujets ne possèdent pas une perception aussi exacte des sensations cutanées ; l’écart donné aux pointes du compas peut être dans les régions les plus sensibles de 50 à 80 millimètres sans provoquer autre chose qu’une sensation simple (Léonie Lavr…). Pour amener le sujet à penser le chiffre 2, il ne faut pas user