Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
revue philosophique

malade devinait tout de suite le mot, les yeux fermés. Elle ne sentait pourtant pas, disait-elle, le mouvement graphique imprimé à sa main, mais elle avait la représentation visuelle du mot, qui lui apparaissait tout à coup « comme s’il était écrit à la craie sur un tableau noir. »

Quelques mois après, je retrouvais le même phénomène sur la nommée Sav…, qui, elle aussi, n’avait aucune idée des mouvements d’ensemble imprimés à son bras anesthésique, mais percevait les mouvements graphiques les plus délicats.

Chez un troisième sujet, Rich…, les mouvements passifs du membre anesthésique étaient perçus comme les mouvements graphiques. Cette perception était visuelle, comme chez les précédents malades. Quand on étendait un doigt de la main anesthésique, Rich… avait la représentation visuelle de ce doigt, mais elle n’éprouvait aucune sensation cutanée localisable dans le doigt ou dans la main.

Nous allons maintenant procéder à l’examen méthodique des malades que nous avons sous les yeux ; nous retrouvons le phénomène en cause chez sept malades sur neuf. Ces sept malades, ajoutés aux trois précédents, nous donnent un total de dix observations concordantes. Cela ne suffit pas évidemment pour faire une théorie générale de l’anesthésie hystérique, mais cela suffit pour montrer que le symptôme que nous étudions est important par sa fréquence.

Parmi les expériences capables de mettre en lumière la perception des excitations d’une région anesthésique, la plus simple et la plus sûre est la suivante :

Le sujet ayant la tête placée derrière un écran qui l’empêche de voir son membre anesthésié, on imprime à une portion quelconque de ce membre, à son bras, à sa main ou à un de ses doigts, un nombre déterminé de mouvements. Si alors on avertit le sujet qu’on a imprimé des mouvements à sa main anesthésique, il déclare presque toujours qu’il n’a absolument rien senti, ce qui n’est pas étonnant, puisqu’il est anesthésique de ce côté. Il ne faut donc point attirer son attention sur son membre anesthésique ; il faut tout simplement le prier de choisir un nombre au hasard et de le dire ; le sujet, alors, sans aucune hésitation, choisit volontairement un nombre, qui se trouve précisément être celui des mouvements imprimés à son membre anesthésique. Ce résultat[1] ne saurait s’expliquer ni par suggestion, puisqu’on se borne à poser une question relative à

  1. Nous sommes arrivés récemment à objectiver ces impressions visuelles produites par excitation cutanée, en employant la méthode graphique. Nous publierons prochainement les tracés.