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arrivera à se satisfaire, partiellement quand le sujet écrira les yeux ouverts, et complètement quand il écrira les yeux fermés.

Nous avons vu que Léonie Lav… appartient à cette dernière catégorie. Aussi son écriture présente-t-elle du redoublement littéral.

En résumé, il résulte de ce qui précède que les mouvements des membres anesthésiques peuvent être déterminés par deux excitations tout à fait différentes d’une part, la volonté du sujet ; d’autre part, les sensations de tout ordre qui se produisent dans le membre anesthésique. Il arrive parfois que ces deux excitations sollicitent simultanément des mouvements différents ; et, en tout cas, l’expérimentateur peut créer facilement un conflit de ce genre. Le résultat de ce conflit varie selon les sujets. Chez les uns, malgré l’inhibition de la volonté, le mouvement sollicité par les sensations venues du membre anesthésique s’exécute ; chez les autres, le mouvement est suspendu.

V

Envisageons maintenant l’anesthésie hystérique dans ses rapports avec la conscience du sujet. Il est de notion vulgaire que l’excitation portée sur une région anesthésique n’est pas sentie, n’éveille pas de phénomène de conscience ; le sujet, lorsqu’on pique une région insensible, déclare qu’il ne sent absolument rien.

Des observations nombreuses m’ont démontré que les choses sont beaucoup moins simples qu’elles ne le paraissent de prime abord. L’anesthésie hystérique de la peau et des tissus profonds n’abolit pas la perception des excitations périphériques ; elle laisse subsister cette perception, mais elle la modifie profondément. L’hystérique dont une moitié du corps est insensible à la pression, à la piqûre, à la torsion et aux décharges électriques violentes continue à percevoir ces excitations, mais il les perçoit dans des conditions anormales.

Nous arrivons ainsi à confirmer, par une démonstration nouvelle, cette notion que l’anesthésie hystérique n’est pas une anesthésie vraie ; l’excitation de la région anesthésique n’est supprimée ni pour les phénomènes moteurs ni pour la conscience du sujet.

L’anesthésie hystérique de la peau et des tissus sous-jacents empêche simplement les malades, au moins ceux que nous avons observés, de sentir l’excitation sous sa forme cutanée, c’est-à-dire en tant que sensation tactile localisable en un point déterminé de la peau ; mais l’excitation pénètre jusqu’à la conscience du sujet sous la forme d’une idée, en général sous la forme d’une image visuelle. Le sujet, lors-