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Il ne faut pas croire que l’expérience devient consciente parce qu’elle se complique. Tout cela est absolument inconscient. Le sujet, interrogé à plusieurs reprises, ne sait rien de ce qui se passe dans son membre anesthésique, et, toutes les fois qu’on le lui révèle, on provoque un étonnement facile à comprendre.

Après avoir donné une description aussi complète que possible des mouvements inconscients déterminés par des idées conscientes, nous ne chercherons pas à analyser le phénomène au moyen d’un nouveau schéma. Nous ignorons complètement le détail du phénomène, son mécanisme intime, physiologique. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a là un entrecroisement, un concours, une collaboration des faits de conscience avec les faits d’inconscience ; les deux centres d’action coordonnent leur effort pour aboutir à un résultat commun : le conscient détermine l’idée à exprimer ; l’inconscient détermine le mode d’expression.

Tel est l’élément nouveau que l’observation des hystériques apporte à l’étude des mouvements inconscients, étude qui a été très bien faite par M. Richet et M. Gley.

3o — Nous arrivons à la troisième question que nous nous sommes posée. Nous allons chercher à déterminer dans quelle mesure les mouvements inconscients sont sous la dépendance de la volonté du sujet.

Trois expériences principales peuvent être faites.

1o On imprime au membre anesthésique des mouvements passifs, puis au moment où ces mouvements sont sur le point de se reproduire, on invite le sujet à regarder son membre et à le raidir pour mettre obstacle à ces mouvements inconscients de répétition. Malgré le soin qu’on a de soumettre les divers sujets exactement à la même épreuve, on constate qu’ils n’exercent pas tous le même pouvoir sur les mouvements de répétition. Amélie Clet… et Louise St-A… arrivent à immobiliser complètement leur membre, tandis que Léonie Lav… et Marie Hab… assistent impuissantes au mouvement de ce membre, qu’elles ne sont pas capable de réduire au repos.

2o On place un dynamomètre dans la main anesthésique, et on recommande au sujet, qui a vu placer l’instrument dans sa main, de ne pas serrer avant un signal ; puis, on lui dissimule la vue de sa main par un écran. Chez Amélie Clet… et Louise St-Am…, malgré l’excitation produite par le contact du dynamomètre dans la paume de la main, il ne se produit aucun effort de pression ; la volonté du sujet empêche la production de l’effort de pression, qui se serait manifestée si on n’avait pas averti le sujet. Au contraire, chez Léonie Lav… et chez Marie Hab… la pression du dynamomètre précède le signal.