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BINET. — sur les altérations de la conscience

main anesthésique un mot, toujours le même, et la main ne le reproduisait jamais. Au bout de cinq minutes d’efforts infructueux, j’approchai un aimant de la main du sujet. Connaissant non seulement l’influence de la suggestion, mais tous les doutes qui se sont élevés relativement à l’action de l’aimant sur les hystériques, j’eus soin de ne faire aucun bruit pouvant avertir le sujet de mon intention ; du reste, dans aucune expérience antérieure, je ne m’étais servi de l’aimant. Or, très peu de temps après l’approche de l’esthésiogène, la main anesthésique du sujet se mit à trembler, puis elle répéta le mot que je lui avais fait tracer.

Cette expérience me permet de recommander l’emploi de l’aimant à tous ceux qui cherchent à constater des mouvements inconscients chez les hystériques ; seulement, je l’ai dit et je le répète encore, il faut se méfier des retours de sensibilité.

2o — Nous étudions maintenant les mouvements inconscients en tant qu’ils servent à l’expression de la volonté du sujet.

Pour peu que l’on suive avec soin une observation sur les mouvements inconscients d’un hystérique, il est impossible qu’on ne soit pas frappé par le fait suivant, qui apparaît presque constamment, sans qu’on s’y attende, dans toutes les expériences : ce fait, c’est que, lorsque l’hystérique tient entre les doigts de la main anesthésique une plume, dans la position nécessaire pour écrire, cette plume enregistre l’état de conscience prédominant du sujet.

Si le sujet pense spontanément à une personne ou à un objet, ou à un chiffre, ou si on le prie de penser à tout cela, sa main anesthésique, qui tient une plume, écrit aussitôt le nom de cette personne ou de l’objet, ou le chiffre. Le sujet, quand ses yeux sont fermés ou que son attention est portée ailleurs, ne s’aperçoit pas du mouvement de sa main, qui révèle à l’expérimentateur le fonds intime de sa pensée.

Dès que la malade fait un effort intellectuel pour se rappeler ou pour raisonner ou pour deviner quelque chose, on voit sa main prendre l’attitude nécessaire pour écrire ; dès que le problème est résolu ou abandonné, la main laisse tomber la plume et s’affaisse dans une attitude de résolution.

Ce phénomène dont il est facile de saisir l’analogie avec tous ceux qui ont été étudiés par M. Chevreul, M. Richet, M. Gley, ne paraît pas faire défaut à beaucoup d’hystériques. Je l’ai rencontré, pour ma part, un très grand nombre de fois, et je le considère comme la manifestation la plus simple des mouvements inconscients.

On peut étudier le phénomène à plusieurs points de vue, et y voir par exemple une preuve que tout état psychique a pour corrélatif