Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
BINET. — sur les altérations de la conscience

che à ouvrir une boîte ; au contraire, lorsqu’il s’agit d’un mouvement volontaire, le sujet connaît indirectement la nature du mouvement qu’il exécute, parce qu’il a conscience de sa volition ; quand il écrit volontairement un mot, les yeux fermés, il sait ce que sa main écrit, mais il n’a pas une conscience directe, musculaire, des mouvements de sa main ; il ne se sent pas écrire ; et la preuve, c’est qu’il ne peut pas épeler exactement chaque lettre à mesure qu’il l’écrit : il croit parfois être encore au milieu du mot, quand en réalité le mot est déjà terminé, ou au milieu d’une lettre quand la lettre est entièrement tracée.

Il y a lieu d’étudier à trois points de vue les mouvements inconscients provoqués par l’excitation inconsciente du membre anesthésique :

1o Quand ils se produisent seuls ;

2o Quand ils se produisent en harmonie avec la volonté du sujet ;

3o Quand ils se produisent en antagonisme avec la volonté du sujet.

1o — Considérés en eux-mêmes, les mouvements inconscients provoqués par l’excitation des membres anesthésiques peuvent présenter toute la sûreté et la variété des mouvements volontaires. Il existe cependant une différence pour la force musculaire. Si l’on compare les deux chiffres dynamométriques donnés par le sujet quand il presse volontairement le dynamomètre, et quand il le presse inconsciemment, avec sa main anesthésique, on constate entre ces deux chiffres une inégalité constante. Le plus élevé est celui de la pesée volontaire. La différence n’est que de 2 à 3 degrés chez Amélie Cle… ; elle atteint 8 degrés chez Demang…, 10 degrés chez Louise St-A…, et même 14 environ chez Marie Hab… Cette différence est d’ailleurs facile à comprendre. Lorsque la main du sujet serre inconsciemment le dynamomètre, le centre moteur du bras n’est excité que par le centre sensitif de ce bras, lequel a reçu l’impression du contact du dynamomètre avec la main ; au contraire lorsque la pression est volontaire, le centre moteur reçoit, outre cette première excitation qui persiste, une seconde excitation qui provient des autres centres corticaux, et qui représente psychologiquement la volonté de serrer le dynamomètre.

Un des caractères les plus frappants des mouvements inconscients est la tendance à la répétition, à la continuation des mouvements, quand ils se sont produits une fois, pour une raison ou pour une autre. Si on fait exécuter à un doigt des mouvements alternatifs de flexion et d’extension, le doigt, abandonné à lui-même, répète ce mouvement. Il en est ainsi pour le mouvement passif, le mouvement réflexe et même les mouvements volontaires du sujet.