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BINET. — sur les altérations de la conscience

ment le bras anesthésique, ou si on l’étend à l’insu du sujet, le membre anesthésique se maintient en l’air pendant une heure chez St-Am… et chez Hirsch… et une heure vingt chez Hab… Des observations analogues ont été publiées par d’autres auteurs, d’abord par Lasègue[1] et ensuite, après nous, par Pitres[2]. On s’étonnera de la longueur de ce temps de pose si l’on réfléchit que des hommes vigoureux ne peuvent conserver cette même attitude que pendant trente minutes, trente-cinq minutes au plus ; et qu’en outre, à mesure que le temps se prolonge, le sujet se fatigue, sa main tremble, sa respiration devient irrégulière. Nous n’observons chez nos hystériques aucun de ces troubles déterminés par la fatigue.

Ce qu’il y a de curieux, c’est que ce pouvoir de conserver une attitude est beaucoup plus développé dans le membre anesthésique que dans le membre sain. La différence est tout à fait frappante lorsqu’on prie le sujet d’étendre en même temps les deux bras ; du côté sensible, le membre commence à trembler et à baisser au bout de cinq minutes environ ; au contraire, du côté anesthésique, le bras conserve sa position sans trembler pendant un temps considérable.

Cependant le dynamomètre nous apprend que chez les hystériques hémianesthésiques la force musculaire est beaucoup plus considérable du côté sain que du côté anesthésique. C’est là une règle qui ne paraît pas souffrir beaucoup d’exceptions ; elle s’est toujours vérifiée chez nos malades, comme le montrent les chiffres suivants :

Côté sensible. Côté insensible.
Clet 
29 28
Saint-Am 
25 20
Greu 
55 15
From 
28 22
Chesn 
55 28

La règle est si générale qu’on peut, souvent par le seul examen dynamométrique des deux mains, deviner chez un hémianesthésique de quel côté siège l’hémianesthésie. Il est juste de rappeler que c’est Burq qui a émis le premier l’idée d’un rapport entre l’amyosthénie et l’anesthésie hystérique.

Il semble donc qu’il y ait contradiction entre notre expérience sur la conservation des attitudes et l’examen dynamométrique de l’état de forces. Cette contradiction — au moins apparente — est supprimée lorsqu’on admet que, si le bras anesthésique peut conserver si long-

  1. Anesthésie et ataxie hystériques (Arch. gén. de médecine, 1864).
  2. Des anesthésies hystériques, p. 72.