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des hystériques de l’analgésie sans anesthésie cutanée. M. Paul Richer en a publié un cas d’autant plus intéressant pour nous qu’il s’agit d’actes d’automatisme provoqués pendant la catalepsie[1].

Enfin, chez une dernière malade, Marie Paq…, hémianesthésique gauche, qui ne présente que des mouvements tout à fait rudimentaires de répétition, l’épreuve du feu a donné un résultat négatif comme chez Léonie Lavr… les doigts sont restés au contact de la flamme qui les a légèrement brûlés.

Je crois qu’il serait bien difficile de tirer une conclusion générale des observations précédentes. Le fait à retenir, c’est qu’il peut exister chez certains sujets de l’analgésie sans anesthésie ; si bizarre que la chose puisse paraître, il n’en est pas moins vrai que certaines hystériques, comme Léonie Lav…, perçoivent avec leur main anesthésique par inconscience le contact d’un objet, par exemple d’une plume, et ne perçoivent pas la brûlure d’une allumette ; il y a sensibilité pour une impression faible, insensibilité pour une impression forte.

À ce sujet, plusieurs questions s’élèvent : comment peut-on expliquer la conservation de la sensibilité tactile coïncidant avec la suppression de la douleur ? Ces deux ordres de sensibilité sont-ils en rapport avec des centres différents ? Y a-t-il des nerfs de la douleur, un centre de la douleur, distinct des nerfs sensitifs et des centres sensitifs ? Ou bien, la différence de ces deux sensibilités consiste-t-elle dans un fait de perception centrale ? Si la sensibilité à la douleur paraît supprimée et pour la personnalité principale du sujet et pour sa personnalité secondaire, c’est-à-dire pour le membre anesthésique, doit-on en conclure que l’analgésie hystérique, chez certains sujets, peut être une destruction absolue de la sensibilité à la douleur, et non une altération de la conscience ?

Des recherches ultérieures permettront sans doute de répondre à ces questions. Il est probable qu’en poursuivant des recherches dans cette voie, on trouvera des faits pour éclairer la physiologie de la douleur.

Ici doivent prendre place des expériences qui semblent démontrer qu’une certaine forme de la sensibilité à la douleur, la sensibilité à la fatigue, peut non seulement devenir inconsciente, mais paraître totalement supprimée. D’après ces expériences dont nous avons déjà publié ailleurs un résumé succinct, il existe des sujets qui sont capables de conserver, avec leur membre anesthésique et sans fatigue, une attitude forcée, pendant un temps extrêmement considérable : ainsi, lorsqu’on prie le sujet d’étendre horizontale-

  1. L’hystéro-épilepsie, 2e édition, p. 693.