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l’inconscience repose sur une modification, sur une altération d’un état organique ; cette modification, dont nous ignorons jusqu’à présent la nature, peut se traduire ici, chez tel malade, par de l’inconscience, et ailleurs par des effets d’un caractère tout différent.

III

Étudions maintenant les principaux caractères de l’anesthésie hystérique par inconscience.

Nous avons recueilli quelques observations qui nous paraissent intéressantes, bien qu’elles ne suffisent pas à éclairer complètement la question. Disons d’abord que, par suite du dispositif expérimental choisi, nous ne pouvons avoir de renseignements détaillés sur la sensibilité du membre qui paraît anesthésique ; car nous ne sommes pas directement en rapport avec le sujet par la parole ; nous nous contentons d’explorer sa sensibilité au moyen des mouvements que nous provoquons dans son membre anesthésique.

Il est d’abord un fait digne de remarque : c’est que, lorsqu’on se contente de pincer ou de piquer avec une épingle le membre anesthésique, et qu’on ne se sert pas d’excitations extrêmement énergiques, on ne provoque aucune réaction motrice appréciable, ni mouvement de défense ou de fuite, ni signe de douleur quelconque. Cette absence constante de tout symptôme de sensibilité nous explique comment des centaines de médecins ont pu explorer la sensibilité de milliers d’hystériques sans se douter que l’anesthésie dont ils constataient l’existence n’est pas une anesthésie vraie, mais une perte de conscience. Ils ne s’en sont pas aperçus parce qu’ils employaient la méthode de la piqûre. S’ils avaient remplacé l’esthésiomètre par un objet familier qu’ils auraient placé dans la main du sujet, après avoir intercepté sa vue au moyen d’un écran, ils auraient remarqué non pas toujours, mais plus d’une fois, que cette main, malgré une anesthésie apparente, exécute des mouvements d’adaptation au contact des objets.

À quoi tient cette différence ? Il semble que, pour provoquer une réaction motrice dans le membre anesthésique par inconscience, il faut que l’excitation ait une signification, et détermine la perception d’un objet connu. Si la simple pression d’une pointe mousse de compas ou la simple piqûre d’une épingle ne produisent aucun effet, tandis que le contact d’un crayon glissé entre le pouce et l’index ou l’impression des branches du dynamomètre dans la paume de la main provoquent des mouvements, cela tient peut-