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BINET. — sur les altérations de la conscience

Il existe un autre moyen de montrer que l’absence de mouvements inconscients chez plusieurs des sujets anesthésiques n’est pas due à une autre cause qu’à un défaut de coordination ; c’est de créer artificiellement cette coordination, avec le concours du sujet.

Voici une malade, Marie Hab…, par exemple, ou Demang…, qui ne fait aucun mouvement lorsqu’on place à son insu un dynamomètre dans sa main anesthésique. Cependant sa main perçoit réellement le contact de l’instrument et en voici la preuve. On prie le sujet de serrer volontairement le dynamomètre, en regardant sa main, une dizaine de fois ; puis, on enlève l’instrument, on ferme les yeux du sujet et on laisse écouler quelque temps pour que la main du sujet redevienne immobile ; alors on y replace le dynamomètre, et aussitôt, sous l’influence du contact, la main recommence à serrer énergiquement l’instrument, comme elle le faisait quelques minutes auparavant ; seulement, cette fois, c’est avec inconscience. Cette expérience montre bien que la main prétendue anesthésique perçoit le contact ; si, avant l’espèce d’entraînement auquel on a soumis le sujet, la main ne réagissait pas, c’était par défaut de coordination entre l’impression reçue et le mouvement à faire. En priant le sujet de serrer volontairement l’instrument, les yeux ouverts, on a créé cette coordination qui faisait défaut ; et, maintenant qu’elle existe, le mouvement inconscient se produit sans difficulté.

Je suis persuadé qu’en soumettant les sujets à une éducation musculaire analogue, on en trouverait bien peu qui ne manifesteraient aucun mouvement inconscient. Il faut seulement veiller à ne pas provoquer un retour de sensibilité dans le membre en expérience.

À plusieurs reprises, nous avons constaté que les mouvements inconscients peuvent, chez une même malade, augmenter ou diminuer d’une semaine à l’autre, ou d’un mois à l’autre, dans une certaine proportion. Nous avions déjà noté, dans notre premier travail, la mobilité de ces phénomènes, qui s’explique d’ailleurs assez bien par leur pathogénie. Depuis, nous avons eu un exemple tout à fait remarquable sous les yeux. Un de nos sujets, Amélie Cle…, qui, à l’époque de nos premières recherches, ne présentait pas trace de phénomènes inconscients, comme on peut le voir en se reportant à notre premier article, présente aujourd’hui la répétition des mouvements inconscients, la spontanéité des mouvements d’adaptation et même, dans une certaine mesure, la spontanéité de l’écriture.

Enfin nous faisons les réserves les plus expresses sur la question de savoir si toute anesthésie hystérique est une altération de la conscience, ou si au contraire certaines espèces d’anesthésie reconnaissent un autre mécanisme. Il est clair, toute théorie mise à part, que