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d’inconscience. Ces phénomènes, très développés chez Amélie Clet…, Louise St-Am…, Léonie Lavr…, Léonie Demang…, un peu moins chez Marie Hab…, ne se présentent qu’à l’état rudimentaire chez Blanch…, et Marie Paq… Ces deux dernières malades, à première vue, ne présentaient aucun mouvement inconscient ; et il fallut communiquer plusieurs fois à leurs membres anesthésiques des mouvements passifs pour produire la répétition automatique. Ce fait paraît nous indiquer qu’il est possible de constater chez la plupart des hystériques anesthésiques des mouvements inconscients, si l’observation est suffisamment prolongée. On doit bien entendu veiller, lorsqu’on prolonge l’excitation, à ne pas provoquer un retour de sensibilité.

Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est qu’il n’existe aucune proportion entre le degré de l’anesthésie et le développement des mouvements inconscients.

On comprendra peut-être le motif de ce défaut de proportion si l’on se rappelle que la manifestation des phénomènes inconscients de la motilité est soumise à une condition capitale, sans laquelle ils ne peuvent pas se développer : c’est la coordination. Pour qu’un mouvement passif imprimé au bras anesthésique d’un malade soit répété, il ne suffit pas qu’il y ait perception inconsciente de ce mouvement, et tendance motrice à répéter des mouvements ; il faut que ces deux éléments soient associés, coordonnés l’un avec l’autre ; il faut que la sensation, reçue dans le centre sensitif du bras, y détermine l’impulsion à l’acte, — et, sans coordination entre ces deux événements, le mouvement responsif ne se produira pas. C’est ce qui se réalise, croyons-nous, chez un certain nombre de malades anesthésiques. Lorsqu’on fait tracer des caractères graphiques à leur main anesthésique, il y a très probablement perception physiologique de ces mouvements, seulement ces sensations et perceptions ne s’abouchent pas avec les mouvements de réponse correspondants, et, par défaut de coordination, la main anesthésique ne reproduit pas l’écriture. Il en est ainsi pour tout le reste.

Notre explication n’est pas une simple hypothèse : elle s’appuie, en effet, sur une observation fort curieuse : c’est que les phénomènes d’inconscience se développent, dans les expériences, avec une rapidité extrême. Sans doute, il existe des sujets réfractaires à cet entraînement, mais ils sont rares. Or, la perfectibilité des phénomènes inconscients nous paraît démontrer qu’ils sont sous la dépendance de la coordination des mouvements avec les sensations, coordination qui, comme on le sait, se forme et se développe chez tous les individus sous l’influence de l’exercice.