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JANET.introduction a la science philosophique

la philosophie a des rapports actuellement. Ceux qu’elle a pu avoir autrefois avec d’autres religions appartiennent à l’histoire ; c’est donc seulement de la religion chrétienne qu’il sera question ici.

Demandons-nous donc maintenant ce qui constitue la religion chrétienne : c’est, à ce qu’il nous semble, l’existence de certaines vérités appelées dogmes auxquelles il faut croire si l’on veut être véritablement chrétien. Il n’est pas dit que l’on doit croire à ces dogmes sans preuves : ce serait une erreur ; ce qui est vrai, c’est que la démonstration des dogmes n’est pas tirée des dogmes eux-mêmes, comme pour les vérités philosophiques, mais de preuves extrinsèques, d’une nature différente, à savoir des faits historiques dont le caractère surnaturel prouve pour ceux qui croient l’origine divine des dogmes imposés. En un mot, c’est par les miracles, les prophéties, la tradition, l’autorité de l’Écriture que l’on prouve la vérité des dogmes, ou encore par la supériorité de la morale. Mais toutes ces preuves sont extérieures au dogme lui-même : celui-ci, en tant que vérité, doit être cru sans démonstration.

La religion païenne n’avait pas de dogmes. Les dieux étaient des personnages surnaturels, chargés de veiller aux différentes opérations de la nature ou aux intérêts des hommes. On leur offrait des sacrifices pour se les rendre favorables ou pour conjurer leur malveillance : voilà tout. Il n’y avait pas un système de vérités enchaînées représentant l’ordre des choses divines et répondant aux problèmes que soulève la curiosité humaine sur l’origine des choses ; ou du moins ce qu’il y avait en ce genre au fond des croyances mythologiques n’était pas formulé d’une manière précise. De même, le judaïsme et le mahométisme n’ont pas ou n’ont que très peu de dogmes. Ce sont des religions qui, sauf leur côté historique et national, ne diffèrent pas beaucoup du déisme tel que peuvent le concevoir sans révélation les philosophes rationalistes.

Je ne voudrais pas me hasarder sur le terrain des religions orientales que je ne connais pas. Il est possible que l’on y retrouve quelque chose d’analogue à ce que l’on appelle des dogmes dans la religion chrétienne, c’est-à-dire des conceptions plus ou moins profondes, plus ou moins intelligibles sur l’essence des choses et sur la nature de la divinité. S’il en était ainsi, il faudrait dire des religions orientales, par rapport aux philosophies de l’Orient, ce que nous avons à dire du christianisme par rapport aux philosophies de l’Occident.

Cela posé, examinons d’un peu plus près ce que l’on appelle dogmes en théologie, et l’on verra que ces dogmes en tant qu’exprimant la nature divine, l’origine et la fin des choses, contiennent en