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anesthésique à lui-même, on le voit continuer le même mouvement pendant un certain temps ; 2o si on provoque dans le membre anesthésique, toujours hors de la vue du sujet, un mouvement réflexe, le mouvement réflexe se répète comme le mouvement passif ; 3o les contractions produites par la faradisation des groupes musculaires se répètent également ; 4o enfin, dans cet ordre d’expériences, la plus délicate consiste dans la répétition des mouvements graphiques. Si l’on fait tracer quelques caractères, des lettres, des chiffres ou des mots, à la main anesthésique, et qu’on abandonne ensuite cette main, elle répète le mouvement communiqué.

Ces quatre expériences de répétition automatique éclairent d’un jour intéressant le caractère que l’anesthésie présente chez certaines hystériques. Elles montrent, ce que l’on savait d’ailleurs, mais au moyen de faits moins frappants, que l’insensibilité hystérique ne supprime pas nécessairement la sensation, comme le fait une insensibilité de cause organique. Le mouvement imprimé par l’expérimentateur au membre anesthésique a été l’objet d’un enregistrement physiologique, puisqu’il a été reproduit par le sujet. Le mot inconscient, à première vue, semble convenir assez bien pour désigner cet ordre de phénomènes. Il y a eu, peut-on dire, dans les expériences précédentes, perception inconsciente du mouvement passif, du mouvement réflexe, de la contraction faradique, du mouvement graphique ; il y a eu ensuite mémoire inconsciente de ces diverses sensations musculaires (kinesthétiques de Bastian)[1], et enfin production inconsciente des mêmes mouvements.

D’autres expériences semblent nous obliger à élargir cette première interprétation. Ces expériences, fort nombreuses et fort variées, peuvent être réunies sous deux chefs principaux : 1o les mouvements inconscients d’adaptation dans le membre anesthésique. Il ne s’agit plus ici d’une simple répétition ; le membre anesthésique exécute des mouvements adaptés, en rapport avec l’excitation ; ainsi, lorsqu’on place dans la main anesthésique un dynamomètre, la main commence à serrer ; si l’on glisse un crayon dans la main du sujet, entre le pouce et l’index, ces deux doigts se rapprochent, les autres se fléchissent, et la main prend l’attitude voulue pour écrire. Tous ces mouvements se produisent, bien entendu, pendant que le sujet a les yeux fermés, ou pendant que la vue de son membre anesthésique lui est cachée par un écran ; 2o la spontanéité des mouvements de l’écriture. On observe chez beaucoup de malades que la

  1. À ce sujet, consulter notre article sur le Sens musculaire dans l’hystérie (Revue philosophique, 1888).