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enveloppées sous une forme théologique et même mythologique. Sans doute, la métaphysique n’est pas engagée dans la question de la vérité historique des religions : c’est une question qui reste ouverte et que chacun résoudra comme il l’entendra ; mais la métaphysique est intéressée, pour le fond, dans les solutions théologiques, car c’est son propre domaine.

Cette justice à rendre à la théologie est aussi facile au libre penseur qu’au croyant. Si la théologie est révélée, il est évident qu’il faut la respecter. Si elle est d’origine humaine, pourquoi la métaphysique ne ferait-elle pas cause commune avec une œuvre qui vient comme elle de l’initiative et de l’invention de l’esprit humain ? On peut même dire qu’il y a plus d’invention en théologie que dans la métaphysique proprement dite, en tant que c’est par la théologie que la métaphysique a commencé. Il est vrai que, souvent, c’est l’inverse et la réciproque que l’on peut soutenir, et les théologies savantes sont aussi bien l’effet que la cause des systèmes métaphysiques ; mais cela ne fait qu’un lien de plus entre les deux sciences. On comprend l’aversion et la révolte de la philosophie contre la théologie tant que celle-ci a été oppressive et dominatrice, et qu’elle a enchaîné la liberté de l’esprit humain ; mais, une fois affranchie d’un joug déshonorant, la métaphysique doit avoir assez de lumière pour reconnaître, sous la forme d’un dogme dont elle peut rejeter la lettre, mais qui lui appartient par l’esprit, une vérité qui ne cesse pas d’être une vérité parce qu’elle est enveloppée sous les voiles de l’imagination. Combien de vérités ont été trouvées par les poètes et qui n’en sont pas moins des vérités ! Que si, au contraire, la théologie vient d’en haut, pourquoi la philosophie refuserait-elle de s’alimenter aune source plus haute qu’elle-même ? À tout point de vue, l’hostilité aveugle à l’égard de la théologie est une trahison à l’égard de la métaphysique elle-même.

Ces considérations se justifieront mieux par le fait, en étudiant de plus près les relations plus précises de la religion et de la philosophie.

Et d’abord, qu’est-ce que la religion ? Il n’est pas facile de répondre à cette question ; il n’est pas facile de trouver une définition qui s’applique à toutes les religions et qui comprenne à la fois le fétichisme du sauvage et la religion chrétienne. Mais nous n’avons pas besoin ici d’une définition scientifique et rigoureuse de la religion en général. Nous n’avons à considérer que la religion que nous connaissons immédiatement, celle avec laquelle nous vivons et qui nous est familière dès notre enfance, et que la philosophie rencontre sans cesse à côté d’elle dans le monde extérieur. C’est avec celle-là que