Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
revue des périodiques

districts spécifiques dont nous venons de parler ; l’unité de conscience générale doit mesurer le mouvement et la force dans ces convergences ; celui-là seul est artiste qui sait former des conceptions esthétiques et gouverner sa fantaisie avec l’énergie unitaire (nombre réel) qui, en embrassant la variété des images, en repousse toute contradiction et dissonance.

L’art est la nature populaire qui se fait avec les matériaux de la nature faite dans le cerveau de l’homme d’élite. Celui-ci sent plus profondément les proportions qui plaisent au peuple, les relations essentielles de son type social avec la nature, et il l’exprime d’une manière splendide, qui éclaire les âmes, concentre la vie et accroît l’harmonie, en commençant presque à réaliser ce qui est le plus souhaité. L’art sera donc toujours un grand éducateur ou un grand corrupteur.

La religion de l’homme nu, de l’Hercule vainqueur des monstres, de l’incarnation des dieux dans les hommes forts et beaux, courant et luttant dans les gymnases et dans les jeux Olympiques, a fait l’art en Grèce. La religion de la nature, le goût du paysage, des jardins, des scènes pittoresques des Apennins, de la vie agreste décrite avec tant de grâce par Horace, Virgile, Catulle, Properce, Ovide, Lucrèce, l’étude des têtes, de l’expression personnelle, ont fait l’art romain. Le sentiment de la nature, déjà bien développé chez les Romains, éclate chez les Italiens de la Renaissance. L’admiration des belles nudités fait renaître la peinture et la sculpture. Michel-Ange s’inspire de la Réforme, Raphaël du platonisme. L’impossibilité de réaliser ces deux tendances nouvelles a étouffé les beaux-arts par les caprices du luxe. L’art germanique est animé par la religion de la pensée ; il réussit mieux dans la poésie lyrique ou dramatique, ou dans l’architecture irrégulière.

L’élan vers le vrai et le bien fait la bonne poésie. Les peuples qui ont cherché avec le plus d’ardeur la vérité sont ceux qui ont laissé la poésie la plus profonde et la philosophie la plus sérieuse. En Italie, la poésie de la Renaissance est une réaction contre le conventionnel de l’art byzantin. La décadence vient lorsque Arioste abandonne la recherche de la vérité dans la nature, pour divertir avec les fables.

La vie intime des peintres et des sculpteurs est plus dépendante de la nature extérieure ; celle des compositeurs de musique dépend des exécutants : Wagner en dépend trop ; son instrumentation suffoque la vie du chant.

Le plaisir poétique, comme le plaisir des peintres, des sculpteurs et des musiciens, est essentiellement pythagorique. Les plus grands artistes sont ceux qui sentent le mieux le nombre et les proportions ; les dignes admirateurs des œuvres d’art sont ceux qui comprennent la formation des plus hautes unités.

II. L’évolution biologique bien entendue. — La sélection d’assimilation, commune à toutes les cellules, la faculté de changer le mode de