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ANALYSES.antal. Die hollændische Philosophie.

écrivain ; il professe encore à l’université d’Utrecht. D’abord disciple de Krause, il s’est rangé plus tard à un empirisme d’une nature particulière, qui puisse satisfaire en même temps à sa foi en Dieu et à sa curiosité scientifique. Il veut qu’on emploie à l’étude de l’esprit la méthode des sciences naturelles. Mais il voit le danger, si l’on s’en rapporte à la perception sensible comme source du savoir, d’aboutir au matérialisme. Il poursuit donc une entreprise dont l’initiative reviendrait à Descartes, et, prenant nos diverses classes de représentations, nos idées indépendantes et originales, telles qu’il les trouve, il y montre autant de sources naturelles de connaissance. On aurait donc :

1o La perception sensible, qui nous fait connaître notre corps et la nature ; 2o le sentiment sensible, le sentiment du plaisir et de la douleur, qui porte l’homme à l’action consciente ; 3o le sentiment de la beauté, tel que l’homme regarde le monde avec d’autres yeux que l’animal ; 4o le sentiment moral, par lequel il se donne sa loi à lui-même ; 5o le sentiment religieux, dans lequel nous trouvons une réponse à la grande question sur la raison du monde, sur l’ordre que nous connaissons pour vrai, pour beau, et pour bon.

Opzoomer accepte la psychologie de l’association ; mais il ne suit pas étroitement Mill ou Bain. Il refuse toute idée, tout concept, toute forme, qui serait « inné ». L’innéité change quelque chose, selon lui, à la nature du fait livré à l’esprit, et en empêche la connaissance. La généralité de l’expérience suffit à produire la généralité, la nécessité des vérités découvertes. Nous percevons la forme, dit-il, avec le contenu. Les géomètres n’ont pas commencé par considérer des figures idéales ; ils ont pris les figures réelles comme parfaites, et ils en ont découvert après coup les imperfections. On ne débute point par l’idée de l’espace infini ; on passe de la perception sensible à la perception interne, etc.

Pour la causalité, il fournit deux preuves. L’une est que, si ce que j’ai « voulu » arrive, je perçois que je suis cause, non pas seulement antécédent : dans la nécessité de la succession réside le concept propre de la causalité. L’autre est que nous reconnaissons tardivement le principe de causalité, longtemps après avoir reconnu l’existence du monde extérieur, ce qui autorise à lui attribuer pour fondement encore l’expérience.

En droit, Opzoomer a suivi Burke. Il applique au droit le principe empirique.

M. G. v. A. fait quelques réserves touchant la théorie de la connaissance du philosophe d’Utrecht. Il regrette l’absence, chez lui, d’une mesure objective dans le sentiment de l’esthétique et de la morale. Il ne pense pas enfin qu’on puisse réconcilier la doctrine téléologique avec un système matérialiste de l’univers.

Spruyt a attaqué la psychologie de Opzoomer. Scholten, théologien distingué, a combattu sa théorie religieuse : si la science ne mène pas à Dieu, lui objecte-t-il, comment pourrait se développer en nous un sentiment dont notre raison ne connaîtrait pas l’objet ?