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du Dr Lagrange est presque originale, quoique le bon sens seul pût dicter les conclusions qu’il appuie d’une science minutieuse. Pour mon compte, je suis heureux d’avoir, en y touchant dans mes cours, indiqué d’instinct la vérité. Ce que me faisaient entrevoir de simples notions de physiologie et mon expérience personnelle, notre auteur le met en pleine lumière : c’est que le public, égaré en cela quelquefois par les médecins eux-mêmes, voire par les traités d’hygiène et de pédagogie, donne dans une erreur très grossière, en attribuant tout simplement à l’exercice du corps le rôle d’un dérivatif pour la fatigue de l’esprit. Même l’Académie de médecine, dans son rapport sur le surmenage, n’a pas été à cet égard sans prêter le flanc à la critique. Considérant (très sagement) qu’elle ne pouvait sans ridicule jouer au conseil supérieur de l’instruction publique et entrer dans la discussion des programmes, elle s’est contentée d’exprimer le vœu de les voir simplifier, n’insistant que sur la « nécessité impérieuse de diminuer le temps de la vie sédentaire et de soumettre tous les élèves à des exercices quotidiens d’entraînement physique proportionnés à leur âge (marche, course, saut, formation, développements, mouvements réglés et prescrits, gymnastique avec appareils, escrime de tout genre, jeux de force, etc.). » Mais qu’arriverait-il si, prenant au mot l’Académie (chose peu à craindre, à la vérité), sans alléger les programmes, ce qui est, comme on le sait, difficile, sans diminuer les exigences de l’enseignement, en ne diminuant que le temps consacré à l’étude, l’Université imposait à tous ses élèves des exercices quotidiens d’entraînement ? Augmenter l’exercice musculaire sans simplifier le travail cérébral, faire suivre un régime d’entraînement physique à des enfants sous le coup d’une grande fatigue de l’esprit, ce ne serait pas remédier au surmenage, ce serait l’aggraver : voilà ce que le Dr Lagrange établit avec une grande force de preuves.

Ce qu’il faut, c’est « donner en même temps du travail aux muscles inactifs de l’enfant, et du repos à son cerveau trop occupé ». Mais dans beaucoup d’exercices, et de ceux mêmes que l’Académie recommande, les mouvements réglés et prescrits, la gymnastique avec appareils, les escrimes de tout genre, le cerveau travaille autant que les muscles. Si la vie trop sédentaire de l’écolier exige l’augmentation du travail corporel, ce qui est certain, et si l’on ne peut attendre, pour augmenter l’exercice, d’avoir trouvé les moyens de diminuer la part de l’étude, au moins faut-il adopter, parmi les diverses manières d’exercer le corps, celles qui associent le moins possible le cerveau au travail des muscles. Toute la fin du volume a pour objet d’établir, en s’appuyant sur la physiologie, les règles à suivre dans le choix d’un exercice quand il s’agit de remédier non seulement à la vie trop sédentaire, mais, ce qui est très différent, à l’épuisement causé par l’excès du travail cérébral. Tous les exercices de force, de vitesse ou de précision, tous ceux qui demandent un effort très violent ou très intense dans un temps limité, ou un effort réfléchi, calculé, accompagné de tension mentale, sont des exercices épuisants. Derrière le travail musculaire, qui se voit, il y a,