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riens qui ne sont ni des narrateurs ni des statisticiens. L’omission est trop grave pour n’être pas relevée.

M. Bourdeau, n’ayant vu dans l’histoire que des récits et des statistiques, n’a songé qu’à concilier les narrateurs et les statisticiens. Il propose, non sans ironie, un partage de l’histoire à l’amiable. « L’histoire des personnages et des événements célèbres revient de droit aux littérateurs… Ils l’exploiteront à leur fantaisie, c’est leur affaire. » Les savants auront dans leur lot l’étude des fonctions, l’analyse des faits communs. « Les grands écrivains composeront de belles histoires », les savants « feront l’histoire vraie ». Il y aurait ainsi deux bandes opérant chacune sur un terrain différent. Je propose à M. Bourdeau de faire encore place à une troisième bande. Elle sera composée des savants qui chercheront, par l’analyse des documents, à se représenter les conceptions de tout genre qui ont dirigé les actions des hommes ; il les appelera, s’il veut, les historiens des conceptions et leur abandonnera le champ qu’il voulait laisser sans culture.

Les trois bandes peuvent travailler côte à côte sans se gêner et même sans se mépriser réciproquement.

Ch. Seignobos.

Dr Fernand Lagrange. — Physiologie des exercices du corps. 1 vol.  in-8o de la Bibliothèque scientifique internationale, 372 pages. Paris, Alcan, 1888.

C’est un des livres de science vulgarisée et appliquée les plus intéressants que j’aie lus. Peut-être même l’expression « science vulgarisée » n’est-elle pas absolument juste ; car il y a dans l’ouvrage assez d’observations neuves et de vues personnelles pour que l’auteur soit en droit de revendiquer sa part d’originalité : on y prétend souvent à moins de frais. Il me semble toutefois, sauf erreur, que les vérités de physiologie générale dont il part ou auxquelles il se réfère m’étaient toutes plus ou moins familières, même à moi profane ; la nouveauté théorique ne serait donc que dans les détails[1]. En revanche, que d’applications pratiques auxquelles on ne pense pas communément ! que de vérités utiles, neuves au moins par leur groupement et par la vive lumière dans laquelle elles sont mises !

Les applications pédagogiques sont les plus importantes à mes yeux. Je ne serais pas surpris que l’auteur eût été conduit à son sujet par le récent débat, et qui dure encore, sur le surmenage scolaire. En tout

  1. P. 118 à 120, par exemple, l’auteur propose une hypothèse qui attribue la courbature de fatigue à une sorte d’auto-intoxication de l’organisme par des produits de désassimilation. C’est une application des idées que Bouchard et Gautier ont rendues classiques ; mais elle est peut-être nouvelle, en tout cas elle est présentée de la manière la plus plausible. Voy. de même la théorie de l’insolation (p. 137-139), etc., etc