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ANALYSES.h. v. stein. Die Enstehung der Æsthetik.

la musique moderne, sa terre natale (in Heimlande). Cette transition nous paraît un peu subtile ; elle conduit à nous reproduire les théories sur la musique et les débats qu’elles suscitèrent au xviiie siècle entre les écoles opposées, les Gluckistes et les Piccinistes. Certes le sujet ne manqua pas d’intérêt, mais les disputes entre Rameau et Rousseau sur l’expression et les rapports harmoniques, la théorie du beau musical, etc., ne font-elles pas trop oublier à l’auteur la généralité de son sujet pour se concentrer sur un point aussi particulier ? Ce qui est dit des deux systèmes en présence, des moyens d’expression de la musique, de la palette musicale, de la théorie métaphysique et des formules mathématiques, de l’arithmétique inconsciente des formules mathématiques cachées dans les profondeurs de l’âme, tout cela sans doute est fort curieux ; mais tout l’art italien est-il dans la musique italienne ? Il semble bien que les autres arts, la peinture en particulier, auraient aussi quelque droit à ce qu’on en connaisse la théorie. Mais la musique est l’art du sentiment. On sait quelle prédilection l’historien a pour le sentiment.

On se trouve ainsi conduit au terme de cette histoire ; la naissance de l’esthétique allemande ou la profondeur du sentiment, l’Innerlichheit, atteint à son plus haut degré.

3o Les derniers chapitres du livre sont consacrés à Baumgarten et à Winckelmann, les deux représentants principaux de l’esthétique allemande dans sa première période. À vrai dire, la transition nous paraît bien un peu subtile. On ne voit pas trop comment les théories italiennes sur la musique ont inspiré les deux esthéticiens allemands dont l’un prend son point de départ dans la poésie et l’autre le sien dans l’étude des chefs-d’œuvre de l’art antique, de la sculpture des Grecs en particulier.

Nous ne ferons pas l’analyse de ces deux chapitres. L’auteur s’étend longuement sur l’un et sur l’autre des deux esthéticiens et théoriciens de l’art. L’esthétique de Baumgarten et de ses disciples, dont l’exposé nous semble peu méthodique et non exempt de confusion, nous paraît aussi jugée beaucoup trop favorablement. Malgré les efforts de l’historien pour la réhabiliter, elle reste un essai infructueux pour fonder la science du beau et la théorie de l’art sur la base mobile et incertaine du sentiment ou de l’idée confuse.

Les termes vagues, les équivoques, les formules pédantesques dues au wolfianisme ne peuvent cacher le vide de la pensée, le vague et la confusion perpétuelles qui règnent dans les doctrines et les écrits du disciple de Wolf et de Leibnitz. Qu’il lui suffise d’avoir proclamé l’esthétique une science indépendante et de lui avoir assigné une place à part dans le cercle des sciences philosophiques. Voir en lui un penseur original comme esthéticien, en faire un des vrais représentants du génie allemand, c’est faire trop peu d’honneur à ce dernier.

Quant à Winckelmann, on peut très bien accorder à l’auteur que l’intuition des œuvres de l’art antique, bien plus que sa théorie