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ANALYSES.h. v. stein. Die Enstehung der Æsthetik.

le type et le modèle qui a servi de point de départ à l’art français et auquel le classique français doit l’idée qui a servi de base à ses œuvres le beau dans la vérité. On y trouve à la fois le naturel et le rationnel. Le genre de réalisme qui en résulte est un réalisme épanoui, joyeux (freudige), dont les œuvres de la Renaissance offrent le cachet à la fois noble et naturel. Léonard mort en France fonde la première Académie de dessin ; Cellini travaille à la cour de France ; le Tasse est fêté et triomphe à Paris ; Lebrun et Poussin apprennent des Italiens. La poésie classique suit l’esprit de la peinture. L’auteur fait remarquer qu’un principe classique est esthétique, quand il ne se borne pas à un seul art. Ainsi le classicisme français se retrouve partout dans le dessin comme dans la poésie. Mais en signalant l’influence italienne, comment l’auteur a-t-il pu omettre l’influence espagnole, dans Corneille par exemple ?

II. À la période du haut classique déjà en France succède une réaction que l’auteur désigne par ces mots : la direction vers le naturel. Il nous donne d’abord les formules esthétiques : la délicatesse du goût, la multiplicité et la variété opposées à l’unité ; la pluralité dans l’unité comme principe philosophique.

La formule se démontre par les arts du dessin. C’est aussi l’imitation de la nature, la liberté du génie, l’imagination. Mme de Sévigné, Fontenelle, les Jésuites opposés à P.-Royal, Saint-Evremont, Montesquieu, Batteux, Crousaz fournissent des exemples. Cette nouvelle direction coïncide avec la philosophie spéculative de Leibniz. Et, en effet, ce que le système de Leibniz apporte à la suite de celui de Descartes, c’est la variété dans l’unité. La pensée cartésienne s’élargit et s’enrichit. Descartes, c’est le rationalisme pur. Descartes demande la clarté, la simplicité. Leibniz ajoute la force, l’activité, le mouvement, la vie ; il rétablit dans ses droits l’instinct, fait une place très grande aux perceptions obscures, à l’idée confuse. L’unité se déploie en multiplicité.

L’auteur consacre un chapitre entier au classicisme anglais. Ce qui le caractérise, c’est selon lui l’alliance du caractère moral et du caractère esthétique. Le beau y est défini le parfait. L’art ennoblit la sensibilité. L’œuvre de l’artiste et du poète est le reflet de l’œuvre divine, de la création. Ce point de vue est celui de la civilisation anglaise ; c’est l’idée contenue dans les écrits d’Addisson, de Pope, etc. Le motif moral y est l’élément principal. La Révolution anglaise est une révolution morale. L’homme change avec l’État. La culture esthétique devient la culture morale.

Ce point de vue chez les Anglais a pour représentant théorique principal Shaftesbury dont la doctrine, à la fois esthétique et morale, est exposée avec soin et fidélité. Toute beauté est vérité ; or la vérité est la chose la plus puissante en ce monde, parce qu’elle exerce son empire à la fois sur les idées et sur l’imagination. Ici un rapprochement ingénieux et vrai avec Descartes. La vérité esthétique résultat de l’harmonie des choses n’est pas la vérité pure métaphysique et logique.