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ANALYSES.h. v. stein. Die Enstehung der Æsthetik.

théorie littéraire est celle-ci : la nature se conduit d’après des règles ; elle-même est méthodique. Démosthène l’avait dit de même. Le beau, le grand, c’est l’ordre. Le sublime qui nous élève presque aussi haut que Dieu, qu’est-il ? le simple ; la simplicité. Dieu dit « Que la lumière soit et la lumière fut. » Le « Qu’il mourut » du vieil Horace : tels sont les exemples favoris. Le mérite de Boileau, mérite tout négatif, est d’avoir su reconnaître et proclamer le génie de Corneille, de Racine, de Molière.

L’auteur passe en revue les autres théoriciens de la même école, la poétique des académiciens, de La Ménardière, de Scudéry et principalement les théories sur l’art dramatique de d’Aubignac, de Corneille, etc.

Il signale l’opposition de Ronsard, le premier des romantiques. Ici, c’est une autre méthode. Boileau, c’était la raison. La poétique de Ronsard proclame un autre principe : l’imagination. Ce qu’il veut, ce qu’il préconise, ce sont les riches descriptions, les images qui sont la vie de la poésie. Le mot et l’idée d’imagination manquent à Boileau. Le peu d’estime de la raison dans Ronsard, la valeur absolue de la raison dans Boileau, voilà ce qui les caractérise. La conséquence pour le classicisme, c’est la correction qui est le caractère définitif des œuvres de Boileau. Lui-même Malherbe, le modèle de Boileau, brille surtout par la correction. L’organe de la correction est l’Académie française (l’hôtel de Rambouillet).

D’autres caractères dont Boileau donne les préceptes sont : la clarté et la vérité. Ce ne sont pas seulement des règles formelles, mais des principes esthétiques : « Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable. » Or, ici, qu’est-ce que la vérité ? c’est la vérité purement rationnelle ou subjective, non la vérité objective. Ce naturel, c’est ici le raisonnable : vrai et raisonnable sont synonymes. Pour Boileau, le réel est le rationnel, c’est le réalisme retourné. Mais la correction, voilà la vraie formule classique. Or, cette formule par excellence, n’est-ce pas à cette époque ce qui en exprime l’esprit total, empreint partout dans les institutions, la formule de cette société, la société française ?

La correction littéraire répond à la correction politique au xviie siècle ; c’est l’effort pour maintenir l’unité dans l’État. L’auteur en fait le point capital de sa théorie.

Le chapitre consacré au rapport du classicisme français avec Descartes et le cartésianisme a plus d’intérêt, bien qu’il n’offre rien de nouveau. L’auteur allemand y a mis à profit les ouvrages qui, chez nous, ont mis en lumière ce rapport de la littérature avec la philosophie cartésienne (Fr. Bouillier, Sainte-Beuve, etc.). L’influence de Descartes, comme il le fait remarquer, n’est réelle que dans la seconde période de la littérature classique. Au début, ce rapport n’existe pas. Corneille et les grandes œuvres classiques sont antérieurs à Descartes. Le Cid enthousiasmait Paris avant que parût le Discours de la méthode. Molière n’était pas cartésien, mais gassendiste. Le style de Descartes n’est pas celui des Précieuses. La Fontaine fait l’éloge de