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ANALYSES.a. ott. Le problème du mal.

penser les maux présents, et, si même elles se réalisent, les bienfaits qu’elles promettent dureront-ils plus d’un instant ? Car est-il rien de stable en ce monde, si ce n’est l’équilibre final, c’est-à-dire l’immobilité absolue, à laquelle tout doit aboutir, et n’est-ce pas à la nature brute qu’appartient l’éternité ? »

Le mal est ainsi, pour le pessimisme comme pour le matérialisme, un fait inexplicable autant que nécessaire ; bien plus, il est le fait principal, presque unique, celui d’où tout part et où tout revient.

Dans l’hypothèse de la création des êtres sensibles, surtout des êtres libres, par un Dieu personnel, infiniment puissant et bon, on peut se demander au contraire comment la peine et la douleur ont pu faire partie du plan providentiel ; pourquoi les êtres créés ne jouissent pas tous d’une félicité parfaite et comment « un seul instant de souffrance du moindre de ces êtres est compatible avec la perfection infinie de Dieu ».

Le problème est donc nettement posé : « Rechercher comment l’existence du mal peut se concilier avec la sagesse et la bonté du Créateur. « De là trois parties de l’ouvrage : la première a pour objet de rechercher ce qui aux yeux de l’homme constitue le bien et le mal ; la seconde comprend l’étude des attributs divins directement intéressés dans le problème, l’examen de l’idée que nous devons nous faire de l’intelligence, de la puissance et de la bonté de Dieu ; la troisième enfin, la plus importante, est consacrée à l’ordre établi par Dieu dans ce monde et à la solution proprement dite du problème du mal.

Une analyse délicate des phénomènes de la sensibilité remplit la première partie. L’auteur, après avoir étudié le bien et le mal au point de vue objectif, les considère au point de vue subjectif, c’est-à-dire comme faits de conscience. Il distingue, avec une pénétrante justesse, la satisfaction du plaisir : celui-ci naissant d’impressions extérieures, y compris les impressions organiques, celle-là de purs actes de l’esprit. Par suite, la satisfaction est toujours une et identique à elle-même, le plaisir essentiellement variable. Tels plaisirs sont recherchés par les uns, tels autres par les autres : la satisfaction est toujours également recherchée par tous. L’habitude émousse le plaisir et produit la satiété : la satisfaction ne connaît rien de pareil. Des douleurs très vives peuvent être supportées avec satisfaction quand il y a un intérêt certain ou un impérieux devoir ; il n’en est pas de même du plaisir : on ne saurait éprouver en même temps un plaisir et une douleur. Il en résulte que plaisir et satisfaction peuvent se trouver en opposition ; il en résulte encore que la satisfaction, non le plaisir, est la condition essentielle du bonheur, et, comme nous pouvons dans une large mesure nous assurer la satisfaction par une volonté conforme à la loi morale, la thèse pessimiste est détruite.

M. Ott considère ensuite les biens et les maux résultant des relations générales entre les phénomènes subjectifs et objectifs. Il détermine ceux qui sont pour l’homme la conséquence des conditions générales